Consolation pour un pécheur
faire.
— Donne-moi à nouveau ce message, Ibrahim. Exactement comme on te l’a délivré.
— Sa Majesté veut voir son pupille avant vêpres, maîtresse.
— C’est tout ?
— Oh, elle m’a aussi donné une lettre.
Judith la regarda.
— Raquel ! appela-t-elle d’une voix aiguë.
— Oui, maman, dit sa fille en se penchant dans la cour.
— Viens ici.
— Qu’y a-t-il ? fit Raquel en descendant vivement les escaliers.
— Un prêtre a apporté une lettre.
— Quel prêtre, maman ?
— Je n’en sais rien, répondit-elle, exaspérée. Et je ne sais pas plus ce qu’il a dit. Ce crétin d’Ibrahim…
— Oh ! Où est la lettre ?
Judith la lui tendit.
— Que raconte-t-elle ?
— Elle est adressée à papa.
Raquel examina soigneusement le sceau et le brisa.
— Elle porte la marque royale. Voici ce qui est écrit : « Sa Majesté, Pedro et cetera, et cetera, serait heureuse de voir son pupille, Yusuf ibn Hasan, au palais de l’évêque, Don Berenguer de Cruilles, avant l’heure des vêpres. » C’est signé, je pense, de l’un de ses secrétaires.
— Où est Yusuf ? demanda Judith.
— À ses études. Je l’aidais.
— Il doit se préparer !
Sur ce, toute la maisonnée, à l’exception d’Isaac le médecin, se mit en branle.
Ce fut bien avant vêpres que l’apprenti du médecin, propre, vêtu de ses plus beaux habits et fort digne, pénétra dans le palais épiscopal en vue de l’audience avec Sa Majesté. Il fut introduit dans une pièce où le roi était assis à une table en compagnie d’un petit groupe de conseillers, en plein travail de toute évidence. La place voisine était occupée par Don Vidal de Blanes, abbé de Sant Feliu, redoutable administrateur et puissant allié – la plupart du temps – de l’évêque de Gérone. Il avait été récemment nommé procurateur de la province, et ce aussi longtemps que Leurs Majestés seraient absentes du pays. Venait ensuite l’évêque de Gérone ; les autres étaient des personnages officiels et des fonctionnaires de Barcelone et de la cour. Yusuf tomba à genoux et s’inclina jusqu’à ce que sa tête touchât le sol.
Pedro d’Aragon le regarda, l’air plutôt sombre.
— Allons, Yusuf. Relève-toi. Tu ne dois plus rendre ainsi hommage dans une cour chrétienne. Garde cela pour le jour où tu retrouveras les tiens.
— Oui, Votre Majesté.
Interloqué, le garçon se releva avec souplesse.
Don Pedro l’examina pendant une bonne demi-minute comme s’il avait affaire à un nouveau problème d’ordre logistique.
— Nous avons appris que tu as désormais ton propre cheval.
— Oui, Votre Majesté. Une jument baie, d’excellente lignée, qui m’a été offerte…
— C’est bien. Nous le savons. Et nous en sommes heureux. Nous avons également entendu dire que tu montes avec beaucoup de confiance, mais de manière sauvage comme quelqu’un qui n’a pas été éduqué. Il est temps que tu apprennes ce qui sied à un jeune homme bien élevé. Tu dois consacrer à cela une partie substantielle de chaque journée. Don Berenguer… ajouta-t-il en se tournant vers l’évêque.
— Cela sera fait, Votre Majesté, murmura l’évêque.
— C’est à un conseil de guerre que nous t’avons admis, Yusuf, reprit Don Pedro. Un commandant avisé passe de nombreuses heures à écouter les autres et à tirer des plans avant même de songer à tirer l’épée.
— Mon père pensait que Votre Majesté était le plus sage des commandants.
— La guerre est une entreprise complexe, Yusuf. Elle exige à la fois réflexion et courage. Viendrais-tu te battre avec nous contre les Sardes ?
— J’en serais heureux, Votre Majesté, hésita l’enfant. Mais je crains d’être de peu d’utilité à Votre Majesté. Je ne sais plus manier l’épée. Ce que j’ai appris étant petit, je l’ai oublié, et encore, c’était avec une épée miniature.
— Quelle honte ! s’écria Sa Majesté, qui parvenait mal à dissimuler son amusement. Pour quelqu’un de ton âge… N’est-ce pas, Don Berenguer ?
— Je suis bien de cet avis, surenchérit celui-ci en adressant un clin d’œil au garçon surpris. À treize ans !
— Apprends-tu toujours beaucoup de choses aux côtés de ton maître ?
— Oui, Votre Majesté.
— Fort bien. Nous verrons, murmura Don Pedro comme pour lui-même avant de revenir à ses papiers. Nous en reparlerons avant de quitter Gérone. Et
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