Consolation pour un pécheur
Baptista.
— Trois ?
— Les autres personnes intéressées par ce que j’ai à vendre. Attendez une semaine si vous le souhaitez, mon père, mais peut-être sera-t-il déjà parti.
Orta pivota sur ses talons et sortit du jardin.
Le lendemain, en fin de matinée, Baptista quittait la cour d’une belle maison bâtie sur la partie la plus escarpée de la colline, au sud du Call. Avec l’air de quelqu’un qui se sent chez lui, il sortit, referma derrière lui le portail avec le plus grand soin et descendit à grandes enjambées vers la rivière. L’heure du dîner approchait dans la taverne de Rodrigue.
Son regard se posa sur un marchand d’allure aisée, vêtu d’une tunique de fine étoffe à la coupe simple et d’une ceinture qu’il portait très bas sur les hanches comme l’exigeait la mode. La journée était belle, et le marchand de bonne humeur. Ils échangèrent des banalités à propos du temps, de l’attrait que pouvaient exercer les femmes qui passaient non loin de là et d’autres choses dépourvues de tout intérêt pour l’un comme pour l’autre.
— Quel est ce garçon que je vois là-bas ? l’interrogea Baptista. Il n’a pas l’air d’être d’ici.
— Et vous avez raison, répondit Gualter – car tel était le nom du marchand. C’est un étranger. Un Maure, dit-on.
— C’est exact, approuva celui qui venait de se joindre à eux.
— Il est l’apprenti d’Isaac le médecin, reprit Gualter. Il a fait son chemin dans le monde. On raconte que lorsque maître Isaac l’a recueilli, ce n’était qu’un gamin des rues. Un mendiant.
— Je m’étonne que le médecin l’ait accueilli sous son toit, dit Baptista.
— J’ai également entendu cette fable, mais ce ne peut être vrai. Il est le pupille de Sa Majesté, précisa le troisième homme.
— C’est parce qu’un jour il n’était pas là et que le lendemain il y était, expliqua Gualter. Les gens aiment entendre une bonne histoire – plus elle est atroce, plus ils apprécient. Quand j’ai posé la question à maître Isaac, il a ri et m’a seulement répondu que c’était son nouvel apprenti.
— Est-ce bien vrai ? s’étonna Baptista. Le pupille de Sa Majesté ? Pourquoi ?
— Qui sait ? s’amusa Gualter. Le monde est plein de choses étranges.
— Tout le monde est au courant, intervint l’autre personnage. C’est parce qu’il a rendu quelque grand service à Sa Majesté.
— Qu’est-ce qu’un garçon comme lui peut avoir fait pour Sa Majesté ? demanda Baptista.
— Je crois savoir, intervint un quatrième homme, que c’est son père qui a obligé Sa Majesté et qu’il en serait mort. Sa Majesté ne saurait oublier quiconque lui est venu en aide, ajouta-t-il, plein de dévouement.
— Ou quiconque lui a nui, murmura un autre en se passant le pouce sous la gorge.
Les deux premiers haussèrent les épaules et prirent congé de Baptista. L’heure du dîner approchait : tous deux avaient d’excellentes cuisinières et appréciaient trop un repas bien préparé pour arriver à la maison en retard et essoufflés.
— Je crois que je vais directement lui poser la question, dit Baptista. Ce doit être un garçon intéressant.
La rue était à présent pleine de gens qui rentraient prendre leur repas ; la rencontre entre Baptista et l’apprenti du médecin fut observée avec beaucoup d’intérêt par de nombreux individus ayant chacun ses propres raisons.
Quelques jours plus tard, la cloche du portail tira Isaac le médecin d’un sommeil agité. La journée avait été longue et chaude – même pour un mois de mai –, et l’on manquait d’air dans la chambre à coucher. Le temps qu’Ibrahim, le portier, monte les escaliers jusqu’à la chambre de son maître, Isaac était déjà vêtu.
— Qui est-ce, Ibrahim ? demanda-t-il.
— C’est un message de maître Sebastià, dit l’homme à tout faire en bâillant copieusement. Il se sent mal et désire que vous lui rendiez visite. Dois-je réveiller Yusuf, maître Isaac ?
— Oui, et pendant que je prends mon panier, fais entrer le serviteur de Sebastià. Je veux lui parler.
— Il est reparti tout de suite après m’avoir transmis ce message.
— Fort bien. Va chercher Yusuf.
Il ne servait à rien que l’apprenti d’Isaac conduise l’aveugle à travers la ville alors qu’il faisait nuit noire. Les rues vides ne lui réservaient aucune surprise, et il pourrait les arpenter aussi
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