Conspirata
mais
il n’y a là rien de condamnable.
— Cette phrase, « même dans les rangs les plus bas » – qu’entends-tu
par là ?
— Des gens pauvres – des bergers, des
métayers, ce genre de personnes.
— N’est-ce pas une façon un peu hautaine de qualifier
ses concitoyens pour un prétendu champion des pauvres ?
Cicéron se tourna ensuite vers Volturcius :
— Tu étais censé remettre cette lettre à Catilina dans
son quartier général, n’est-ce pas ?
— Oui, convint Volturcius en baissant les yeux.
— Qu’entend exactement Sura par cette expression « même
dans les rangs les plus bas » ? Te l’a-t-il dit ?
— Oui, consul, il l’a fait. Il entend par là que
Catilina doit inciter les esclaves à se soulever.
Les vociférations qui accueillirent cette révélation furent
d’une telle violence qu’elles en devenaient presque palpables. Encourager un
soulèvement d’esclaves si peu de temps après les ravages provoqués par
Spartacus et ses partisans était pire encore que de conclure alliance avec les
Gaulois.
— Démission ! Démission ! Démission !
scanda le sénat au préteur urbain.
Plusieurs sénateurs se précipitèrent même depuis l’autre
côté du temple pour arracher à Sura sa toge bordée de pourpre. Il tomba par
terre et disparut brièvement derrière la foule des assaillants et des gardes.
De grands lambeaux de toge furent emportés et il se retrouva très vite revêtu
de ses seuls sous-vêtements. Son nez saignait et ses cheveux, habituellement
huilés et soigneusement coiffés, étaient tout hérissés. Cicéron demanda qu’on
lui apporte une nouvelle tunique, et lorsqu’on lui en eut trouvé une, il alla
jusqu’à descendre de son estrade pour aider Sura à la mettre.
Dès que le calme fut plus ou moins revenu, Cicéron soumit au
vote la question de savoir si Sura devait être démis de sa magistrature. Le
sénat tout entier retentit d’un « Oui ! » écrasant d’une portée
considérable puisqu’il signifiait que Sura perdait son immunité. Sura fut
emmené alors qu’il se tamponnait le nez, et le consul reprit son interrogatoire
de Volturcius :
— Nous avons ici cinq conjurés dont la culpabilité est
enfin pleinement établie et qui ne peuvent désormais échapper au regard du
peuple. À ta connaissance, y en a-t-il d’autres ?
— Il y en a d’autres.
— Qui sont-ils ?
— Autronius Paetus, Servius Sylla, Cassius Longinus,
Marcus Laeca, Lucius Bestia.
Tout le monde chercha des yeux les hommes cités, mais aucun
n’était présent.
— La brochette habituelle, commenta Cicéron. Le sénat
se prononce-t-il en faveur de l’arrestation de ces hommes ?
— Oui ! répondirent en chœur les sénateurs.
Cicéron se tourna à nouveau vers Volturcius :
— Y en a-t-il d’autres ?
— Je l’ai entendu dire.
— De qui s’agit-il ?
Volturcius hésita et jeta un regard inquiet sur l’ensemble
des sénateurs.
— Gaius Julius César, dit-il à voix basse, et Marcus
Licinius Crassus.
Il y eut des cris d’étonnement et des sifflets. César et
Crassus secouèrent tous deux la tête avec emportement.
— Mais tu n’as pas la preuve de leur implication ?
— Non, consul. Il n’y a jamais eu que des rumeurs.
— Alors, raye leurs noms du procès-verbal, m’ordonna
Cicéron. Citoyens, nous devons nous appuyer sur des preuves, dit-il en élevant
la voix pour être entendu par-dessus la clameur d’excitation qui enflait, des
preuves et non des spéculations !
Il dut attendre un moment avant de poursuivre. César et
Crassus continuaient de secouer la tête en signe de dénégation et de jurer de
leur innocence avec des mouvements exagérés à l’adresse des hommes qui les
entouraient. Il leur arrivait de se tourner vers Cicéron, mais il était
difficile de déchiffrer leur expression. Le temple restait sombre même par
temps ensoleillé, et la lumière de cet après-midi hivernal déclinait rapidement
au point que même les visages proches devenaient difficiles à discerner.
— J’ai une proposition, cria Cicéron en frappant dans
ses mains pour tenter de rétablir l’ordre. Citoyens, j’ai une proposition !
Au moins le vacarme se calma-t-il un peu.
— Il est évident que nous ne pouvons fixer le sort de
ces hommes aujourd’hui. Ils devront donc demeurer sous bonne garde jusqu’à ce
que nous en ayons décidé. Les garder tous au même endroit serait une invitation
à tenter de
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