Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
Vom Netzwerk:
l’ouverture des lettres et la réaction des accusés. Les gens
écoutèrent dans un silence captivé ou maussade, selon l’interprétation qu’on
veut en donner. Ce ne fut que quand Cicéron annonça que le sénat venait de
voter une fête nationale de trois jours pour célébrer son exploit que les
applaudissements retentirent enfin. Cicéron épongea la sueur de son visage,
sourit et salua la foule, mais il devait savoir que les acclamations allaient
davantage aux trois jours de fête qu’à son action. Il termina en désignant la
grande statue de Jupiter qu’il avait fait rapidement dresser le matin même.
    — Le fait que cette statue ait été érigée alors même
que l’on conduisait sur mon ordre conjurés et témoins au temple de la Concorde
ne prouve-t-il pas l’intervention de Jupiter, le meilleur et le plus grand des
dieux immortels ? Si je disais que j’avais déjoué leurs plans à moi seul,
cela reviendrait à m’attribuer des honneurs indus. C’est Jupiter, le puissant
Jupiter, qui a déjoué le complot ; c’est Jupiter qui a assuré le salut du
Capitole, de ces temples, de la cité tout entière et de vous tous.
    Les acclamations respectueuses qui accueillirent ces remarques
étaient sans nul doute destinées plus aux dieux qu’à l’orateur, mais elles
marquaient surtout le signal que Cicéron pouvait quitter la tribune avec un
semblant de dignité. Il eut la sagesse de ne pas s’attarder. Dès qu’il eut
descendu les marches, sa garde se resserra autour de lui et, tandis que ses
licteurs lui ouvraient la voie, nous nous frayâmes un chemin à travers le forum
en direction du Quirinal. Si je vous raconte cela, c’est pour vous montrer que
la situation était loin d’être stable à la tombée de la nuit, et que Cicéron
était loin d’être aussi sûr de ce qu’il allait faire que ce qu’il prétendit par
la suite. Il aurait aimé pouvoir rentrer chez lui afin de consulter Terentia,
mais le hasard voulut que, pour la seule et unique fois de toute sa vie, il n’avait
pas le droit de franchir le seuil de sa propre maison : pendant les rites
nocturnes de la Bonne Déesse, aucun représentant de la gent masculine n’était
autorisé sous le même toit que la prêtresse du culte ; même le petit
Marcus avait été envoyé ailleurs. Nous dûmes donc gravir la via Salutaris pour
nous rendre chez Atticus, où il avait été prévu que le consul passerait la
nuit.
    C’est donc de là, avec des gardes armés cernant la maison et
toutes sortes de gens – sénateurs, chevaliers, tribuns du trésor,
licteurs, messagers – qui ne cessaient d’entrer et de sortir de l’ atrium bondé, que Cicéron donna ses ordres pour protéger la ville. Il envoya également
un mot à Terentia pour l’informer de ce qui se passait. Puis il se retira au
calme de la bibliothèque pour essayer de décider quoi faire des cinq conjurés.
Des quatre coins de la pièce, les bustes ornés de guirlandes fraîches d’Aristote,
Platon, Zénon et Épicure contemplaient ses délibérations avec un calme
imperturbable.
    — Si j’autorise l’exécution des traîtres, je serai
poursuivi par leurs partisans jusqu’à la fin de mes jours – vous avez
vu comme la foule était hostile. En revanche, si je me contente de les envoyer
en exil, ces mêmes partisans ne cesseront jamais de faire campagne pour leur retour.
Je ne serai plus jamais en sécurité et toute cette agitation ne tardera pas à
revenir.
    Il adressa un regard abattu à la tête d’Aristote.
    — La philosophie du juste milieu ne semble pas devoir s’appliquer
à cette situation.
    Épuisé, il s’assit au bord de son siège et se pencha en
avant, les mains croisées sur la nuque, les yeux fixés sur le sol. Il ne
manquait pas de conseils. Son frère Quintus prônait la fermeté : les
conjurés étaient manifestement coupables et tout Rome – et donc le
monde entier – le prendrait pour une mauviette s’il ne les condamnait
pas à mort. C’était une guerre ! Le doux Atticus prônait exactement le
contraire : si Cicéron avait défendu quelque chose tout au long de sa vie
politique, c’était sans nul doute le respect de la loi. Pendant des siècles,
tout citoyen avait toujours pu faire appel d’un jugement arbitraire. Sur quoi l’affaire
Verres avait-elle reposé sinon sur ce principe ? Civis Romanus sum !
Quant à moi, je crains fort de devoir avouer que, quand mon tour vint de
parler, je me déclarai en faveur de

Weitere Kostenlose Bücher