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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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qui va avec la charge de
légat.
    — Il y a une quatrième option, bien sûr, intervint
Caton.
    — Oui ?
    — Il pourrait se suicider.
    Il y eut un profond silence, puis Cicéron demanda :
    — Quel en serait le bénéfice ?
    — Du point de vue stoïque, le suicide a toujours été
considéré comme un acte de défi pour le sage, et c’est aussi un droit naturel
de mettre fin à ses angoisses. Et puis, franchement, ce serait un exemple de
résistance à la tyrannie qui ferait date dans l’Histoire.
    — Tu penses à une méthode en particulier ?
    — Oui. À mon avis, tu devrais t’emmurer dans cette
maison et te laisser mourir de faim.
    — Je ne suis pas d’accord, intervint Lucullus. Si c’est
le martyre que tu recherches, Cicéron, pourquoi prendre la peine de te tuer
toi-même ? Pourquoi ne pas rester en ville et défier tes ennemis d’essayer ?
Tu auras au moins une chance de survivre. Et si tu meurs, l’opprobre du crime
retombera sur eux.
    — Être assassiné ne nécessite aucun courage, rétorqua
Caton avec mépris, alors que le suicide est un acte viril et volontaire.
    — Et toi, Hortensius, quel est ton conseil ?
questionna Cicéron.
    — Quitte la ville, répondit-il aussitôt. Reste en vie.
    Il effleura son front du bout des doigts et sentit le trait
de sang qui avait séché dessus.
    — Je suis allé voir Pison aujourd’hui. En privé, il
compatit avec toi pour la façon dont tu as été traité. Donne-nous le temps d’œuvrer
pour faire abroger la loi de Clodius pendant que tu seras en exil volontaire.
Je suis certain que tu reviendras un jour avec les honneurs.
    — Atticus ?
    — Tu connais mon point de vue, dit Atticus. Tu te
serais épargné bien des malheurs si tu avais commencé par accepter l’offre de
César.
    — Et toi, Terentia ? Qu’en dis-tu, ma chère ?
    Elle avait pris le deuil, comme son mari, et, avec son
visage pâle dans ses vêtements noirs, elle était devenue notre Électre. Elle s’exprima
avec une grande intensité :
    — Notre existence actuelle est intolérable. L’exil
volontaire m’apparaît comme une lâcheté. Et tu peux toujours essayer d’expliquer
ton suicide à ton fils de six ans. Tu n’as pas le choix. Va voir César.
     
    L’après-midi touchait à sa fin – un soleil rouge
sombrait derrière les arbres dénudés et une douce brise printanière apportait
du forum la clameur incongrue de « Mort au tyran ! ». Les autres
sénateurs et leur suite sortirent par la porte d’entrée pour faire diversion
pendant que Cicéron et moi quittions la maison par-derrière. Cicéron avait une
vieille couverture brune remontée sur la tête et ressemblait exactement à un
mendiant. Nous descendîmes rapidement l’escalier de Cacus pour prendre la route
de l’Étrurie et nous glissâmes dans la foule qui sortait de la ville par la porte
du fleuve. Personne ne nous importuna ni même ne nous accorda un regard.
    J’avais envoyé un esclave en avant avec un message pour
César l’informant que Cicéron désirait le voir, et l’un de ses officiers,
coiffé d’un casque à plumet rouge, nous attendait à la porte. Il fut très
décontenancé par l’apparence de Cicéron, mais se ressaisit assez vite pour
esquisser une ébauche de salut avant de nous escorter sur le Champ de Mars. Il
y avait là une immense ville de tentes qui avaient été dressées pour loger les
nouvelles légions de César, et, alors que nous la traversions, je remarquai
partout des signes que l’armée levait le camp et s’apprêtait à partir pour la
Gaule : on comblait les fosses à déchets, on rasait les remparts de terre
et on chargeait des chariots de fournitures diverses. L’officier expliqua à
Cicéron qu’ils avaient ordre de se mettre en route vers le nord avant l’aube du
lendemain. Il nous conduisit à une tente nettement plus grande que les autres,
érigée sur une petite éminence à l’écart, et arborant pour enseigne de légion
un aigle planté au bout d’une hampe. Le soldat nous pria d’attendre puis
souleva le rabat et disparut sous la tente, laissant Cicéron, barbu, revêtu de
sa vieille tunique et les épaules drapées dans sa couverture élimée, embrasser
le camp du regard.
    — Il semble que ce soit toujours comme ça avec César,
fis-je remarquer pour essayer de rendre le silence moins pesant. Il aime faire
attendre ses visiteurs.
    — Nous ferions mieux de nous y habituer, répliqua
Cicéron d’une voix sombre.

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