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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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Regarde ça, dit-il en faisant un signe de tête en
direction du Tibre.
    Derrière le camp, dans la lumière poussiéreuse de la plaine,
surgissait un grand ensemble d’échafaudages.
    — Ce doit être le théâtre du Pharaon.
    Il le contempla un long moment tout en se mordillant l’intérieur
des lèvres.
    Le rabat s’écarta enfin et l’on nous fit entrer sous la
tente. L’intérieur était très peu meublé : une mince paillasse à même le
sol, recouverte d’une simple couverture ; à côté, un coffre de bois sur
lequel était posé un miroir, des brosses à cheveux, un broc à eau et une
cuvette ainsi qu’un portrait miniature de femme dans un cadre en or (je suis
presque certain qu’il s’agissait de Servilia, mais je n’étais pas assez près
pour être catégorique). César était assis devant une table pliante chargée de
documents. Il était en train de signer quelque chose. Deux secrétaires se
tenaient immobiles derrière lui. Il termina ce qu’il faisait, leva les yeux, se
mit debout et s’avança vers Cicéron, la main tendue. C’était la première fois
que je le voyais en uniforme militaire. Cela lui allait comme une seconde peau,
et je pris conscience que depuis toutes ces années que je l’observais, je ne l’avais
jamais vu dans l’arène qui lui convenait le mieux. Cela donnait à réfléchir.
    — Mon cher Cicéron, commença-t-il en examinant l’apparence
de son visiteur, je suis sincèrement attristé de te voir dans cette misérable
situation.
    Avec Pompée, c’était toujours force embrassades et claques
dans le dos, mais César n’était pas très porté sur ce genre de démonstrations.
Après une brève poignée de main, il fit signe à Cicéron de s’asseoir.
    — Comment puis-je t’aider ?
    — Je suis venu accepter ce poste de légat, répondit
Cicéron en se perchant sur le bord de la chaise, si ton offre tient toujours.
    — Ah oui, vraiment ? fit César avec une moue de
scepticisme. On peut dire que tu as attendu le dernier moment !
    — Je reconnais que j’aurais préféré ne pas venir dans
ces circonstances.
    — La loi de Clodius prend effet à minuit ?
    — C’est cela, oui.
    — Et, au bout du compte, le choix se réduit à la mort,
l’exil ou moi ?
    Cicéron semblait mal à l’aise.
    — On peut dire ça comme ça.
    — Eh bien, ce n’est guère flatteur !
    César laissa échapper un de ses petits rires brefs et se
laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il étudia Cicéron.
    — Cet été, quand je t’ai fait cette proposition, ta
situation était infiniment meilleure qu’elle ne l’est à présent.
    — Tu m’a dit que si Clodius devait représenter une
menace, je pouvais venir te voir. Il est une menace. Je suis là.
    — Il y a six mois, il représentait une menace.
Maintenant, il est ton maître.
    — César, si tu me demandes de te supplier…
    — Je ne te demande pas de me supplier. Bien sûr que je
ne te demande rien de tel. Je voudrais simplement entendre de ta bouche quel
bénéfice tu penses pouvoir représenter pour moi si tu devenais mon légat.
    Cicéron déglutit avec peine. J’avais du mal à imaginer à
quel point ce devait être douloureux pour lui.
    — Si tu veux que je mette les points sur les i ,
je te dirais que si tu bénéficies de toute évidence d’un immense soutien
populaire, tu as nettement moins de partisans au sénat alors que je suis dans
une situation exactement inverse : mal vu du peuple pour le moment mais
toujours bien considéré parmi nos collègues.
    — Tu pourrais donc veiller à mes intérêts au sénat ?
    — Je ferais valoir tes positions auprès des sénateurs,
oui, et peut-être pourrais-je de temps en temps faire valoir les leurs auprès
de toi.
    — Mais j’aurais l’assurance que tu seras toujours de
mon côté ?
    J’entendais presque Cicéron grincer des dents.
    — J’espère que je serai, comme je l’ai toujours été, du
côté de ma patrie, que je servirai au mieux en conciliant tes intérêts et ceux
du sénat.
    — Mais je me fiche des intérêts du sénat ! s’exclama
César.
    Il se redressa soudain sur son siège et, en un mouvement fluide,
se leva d’un bond.
    — Je vais te dire quelque chose, Cicéron. Laisse-moi t’expliquer
une chose. Il y a deux ans, quand je me suis rendu en Hispanie, je devais
franchir des montagnes. Alors je suis parti devant avec un groupe d’officiers
pour repérer le terrain et nous sommes arrivés dans un

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