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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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son départ,
Cicéron soupira, s’essuya le nez sur sa manche et regarda devant lui. La fumée
aromatique du feu de feuilles mortes envahit la terrasse. L’heure passa. La
lumière commença à décliner et le visage de Cicéron, creusé par son jeûne
prolongé, donna prise aux ombres. Je finis par lui murmurer à l’oreille que si
nous ne partions pas maintenant, nous n’arriverions jamais à Rome avant la
nuit. Il hocha la tête et je l’aidai à se lever.
    Alors que nous nous éloignions de la villa, je regardai en
arrière et, aujourd’hui encore, je suis sûr d’avoir vu la pleine lune pâle du
visage de Pompée, qui nous contemplait depuis une fenêtre du premier étage.
     
    Dès que la nouvelle de la trahison de Pompée se sut, Cicéron
fut considéré comme fini, et je fis discrètement mes bagages au cas où nous
devrions fuir Rome au plus vite. Cela ne signifie pas que tout le monde lui tourna
le dos. Ils furent des centaines à prendre le deuil en signe de solidarité, et
le sénat faillit voter de revêtir le noir pour montrer son soutien. Une grande
manifestation de chevaliers venus de toute l’Italie fut organisée sur le
Capitole par Aelius Lamia, et une délégation conduite par Hortensius demanda
instamment aux consuls de prendre la défense de Cicéron. Mais Pison et Gabinius
refusèrent tous les deux. Ils savaient qu’il était du pouvoir de Clodius de
décider quelles provinces leur seraient ou non allouées, et ils cherchaient par
dessus tout à s’attirer ses bonnes grâces. Ils allèrent jusqu’a interdire aux
sénateurs de porter le deuil et expulsèrent le vaillant Lamia de la cité sous
le prétexte qu’il menaçait la paix civile.
    À chaque fois que Cicéron cherchait à s’aventurer dehors, il
se trouvait entouré d’une foule moqueuse et vindicative, et malgré la
protection organisée par Atticus et les frères Sextus, l’expérience demeurait
fort déplaisante et risquée. Les partisans de Clodius lui jetaient des pierres
et des excréments, le contraignant à battre en retraite dans sa maison pour se
laver la tête et nettoyer sa tunique. Il alla chercher le consul, Pison, et
finit par le dénicher dans une taverne, où il le supplia d’intercéder en sa
faveur, mais en vain. Après cela, il resta confiné chez lui. Mais même là, il
ne connut guère de répit. Pendant la journée, les manifestants se rassemblaient
sur le forum et scandaient des slogans en direction de la maison, traitant sans
cesse Cicéron d’assassin. Nos nuits étaient immanquablement ponctuées de bruits
de course dans la rue, de cris d’insulte et de fracas de projectiles s’écrasant
sur le toit. Lors d’un immense rassemblement public organisé par les tribuns à
l’extérieur de la cité, on demanda à César son avis sur la loi clodienne. Il
déclara que bien qu’il se fût opposé à l’exécution des conjurés, il était
contre les lois rétroactives. C’était une réponse d’une grande habileté
politique, et lorsqu’il en eut connaissance, Cicéron ne put que secouer la tête
en signe d’admiration. À partir de ce moment, il sut qu’il n’y avait plus d’espoir,
et bien qu’il ne retournât pas se terrer dans son lit, il se laissa envahir par
une profonde léthargie et refusa souvent de rencontrer ses visiteurs.
    Il y eut cependant une exception d’importance. La veille du
jour où la loi de Clodius devait prendre effet, Crassus vint le voir et, à ma
surprise, Cicéron accepta de le recevoir. Je suppose qu’il était à ce moment
dans un tel état de désespoir qu’il était prêt à accepter de l’aide de qui la
proposerait. Le scélérat arriva plein de paroles de commisération à la bouche.
Mais pendant tout le temps qu’il disait sa stupeur devant ce qui s’était passé
et son dégoût devant la trahison de Pompée, ses yeux scrutaient les murs nus et
cherchaient à évaluer les biens qui restaient.
    — Si je peux faire quelque chose, assura-t-il, n’importe
quoi…
    — Je ne crois pas qu’il y ait grand-chose à faire,
merci, dit Cicéron, qui regrettait visiblement d’avoir laissé entrer son vieil ennemi.
Nous savons tous les deux comment fonctionne la politique. Tôt ou tard, nous
finissons tous par connaître l’échec. Mais au moins, ajouta-t-il, j’ai la conscience tranquille. Vraiment, je ne veux pas te faire perdre ton temps
davantage.
    — Et de l’argent ? L’argent ne peut pas remplacer
ce qu’on a de plus cher dans la vie, je

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