Contes populaires de toutes les Bretagne
Paimpol et Vannes,
elle est davantage un axe de la vie bretonne plutôt qu’un facteur de désunion.
C’est dans cette optique qu’il convient d’examiner les contes populaires
bretons-armoricains.
En effet, il est sans doute commode de séparer la tradition
de la Bretagne celtophone et de la Bretagne francophone. Il est même souhaitable
de le faire pour en étudier avec plus de profondeur les différences qui
tiennent au génie de la langue et à tout ce que cela comporte de moyens
d’expression. Mais cette distinction risque d’amputer considérablement notre
connaissance de cette ethnie qui est la Bretagne, diversifiée dans une unité
indéniable. Voilà pourquoi il est bon de présenter, dans un même ouvrage, les
récits les plus remarquables et les plus caractéristiques de l’une et l’autre
Bretagne. On s’apercevra alors que les thèmes sont identiques et que seuls
changent les détails spécifiques de chaque expression. D’ailleurs qui voudrait
prouver l’originalité foncière des contes bretons risquerait d’être déçu :
ils appartiennent à la grande tradition populaire universelle et n’en sont que
la réactualisation ou la régionalisation, ce qui n’exclut pas une richesse
particulière, due précisément au tempérament breton.
Ces contes sont d’origine complexe. Ils sont le produit
d’une civilisation orale et en conservent le caractère narratif, même s’ils
sont rédigés selon les normes de l’écriture. Ils
portent la marque d’un système de pensée qui consiste à constamment remettre en
cause les données de la connaissance : en fait, il n’y a pas de connu, il
n’y a que du probable . Et le probable n’est que transitoire. Il appartient au domaine
du fugitif et du relatif. C’est ce qui donne à ces contes leur aspect féerique
et intemporel, bien qu’ils témoignent souvent de l’époque à laquelle ils ont
été recueillis et dans laquelle ils se sont incarnés et actualisés. Cela tient
au fait que seul le concret peut rendre compte des spéculations
intellectuelles. Et, à la base de tous ces contes, il y a effectivement une
spéculation intellectuelle. On ne peut pas savoir qui est l’auteur, qui a donné
le coup d’envoi. On ne peut pas connaître avec exactitude à partir de quelle
date tel thème s’est développé au détriment des autres. Tout est lié de façon
si indissoluble qu’il est impossible, en matière de tradition populaire orale,
de donner des chiffres. Du reste, ils n’intéresseraient que des maniaques de la
chronologie. Et la tradition populaire se moque de la chronologie puisque, par
essence même, elle est anachronique . Il vaut
mieux, dans ce cas, intégrer les contes sans savoir exactement d’où ils
surgissent à l’intérieur d’une grande fresque épique : car la tradition
orale bretonne est réellement la seule épopée authentique de la Bretagne, celle
qui a défié les siècles et qui est toujours vivante dans la mémoire du peuple.
Qu’importe si cette mémoire est infidèle : l’infidélité est une des
composantes de la création. Et en ce sens, on peut dire que les contes bretons
sont une création permanente de l’esprit qui anime ces habitants de
l’extrême-occident européen.
C’est à ce titre qu’il fallait les sortir de l’ombre, dût-on
être infidèle à l’oralité en les confiant à l’écriture. La connaissance d’une
région qui a toujours été à l’écart des grands courants continentaux, ouverte
sur l’océan, retranchée dans un promontoire qui n’en faisait pas une route
d’invasion mais une « fin de monde », cette connaissance ne peut se
faire que grâce à la pensée de ses habitants. Et cette pensée s’exprime, en
particulier, par ses contes. Ils sont aussi durables, aussi authentiques que les sculptures de ses vieilles églises
de granit moussu. Ils assurent la permanence de l’esprit breton, le lien entre
le passé et l’avenir qui est la floraison d’un éternel présent.
Bieuzy-Lanvaux, 1976-77.
Haute-Bretagne
LE PETIT TAILLEUR
Il était une fois un petit tailleur qui faisait son
apprentissage. Mais il était si maladroit qu’en sept ans il n’avait pas réussi
à enfiler une aiguille.
— Écoute, mon garçon, dit un jour le patron, tu n’es
pas assez fin pour apprendre mon métier. Tu ferais mieux de chercher quelque
chose qui te convienne mieux.
— Eh bien ! dit le petit tailleur, je vais me
mettre à voyager. En parcourant le monde,
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