Contes populaires de toutes les Bretagne
INTRODUCTION
Depuis le XIX e siècle
et plus particulièrement depuis l’époque romantique, la notion de folklore est devenue à la mode dans toute l’Europe,
coïncidant bien souvent avec le réveil des nationalités que l’on peut observer
chez tous les peuples coupés de leurs ancêtres pour une raison ou pour une
autre. Le folklore était à proprement parler
« la science populaire », la tradition dans ce qu’elle avait de plus
authentique. Du moins voulait-on qu’elle fût authentique, car bien souvent, ce
n’était qu’une reconstitution savante, accomplie par de fins lettrés, d’une
tradition ancestrale qui n’existait plus que par fragments dans la mémoire des
paysans. L’exemple des Poèmes Ossianiques de
l’Écossais Macpherson, créés de toutes pièces à partir de quelques chants de
montagnards calédoniens, est le plus célèbre, également le plus fécond sur le
plan littéraire puisque tous les Romantiques, français, anglais et allemands en
furent imprégnés. En Bretagne armoricaine, vers 1840, Hersart de la Villemarqué
réédita l’exploit en faisant de son Barzaz-Breiz une nouvelle Iliade ou une nouvelle Odyssée à la mesure des chaumières du
Vannetais ou de la Cornouaille. Un peu plus tard, Émile Souvestre, qui avait
réellement recueilli de nombreux contes oraux dans tous les horizons de la
péninsule bretonne, fit de ceux-ci des chefs-d’œuvre d’une littérature vraiment
écrite, supprimant ici ce qui paraissait incompatible avec l’esprit nouveau,
ajoutant là ce qui semblait utile pour définir la spécificité et l’originalité
des histoires. Mais il faut dire qu’il en était partout ainsi et que les pays
dits celtiques n’étaient pas les seuls à pratiquer ce qu’on appelle aujourd’hui
des « supercheries ». Toute l’Europe vit fleurir des épopées
nationales miraculeusement surgies de la nuit des temps et recueillies
pieusement par des folkloristes sincères. Le Kalevala finlandais est né de ce souci essentiel :
c’est pourtant une œuvre authentique, on le sait maintenant. Mais ailleurs,
combien de faux, combien de malfaçons ?
Tout cela a conduit à considérer le folklore sous un aspect plutôt négatif. La grande vague de l’engouement une fois passée,
que restait-il de ces grandes fresques de l’humanité ancienne ? Des contes
de bonne femme, pour ne pas dire des contes à dormir debout. Vint l’époque où,
à la suite de Lévy-Bruhl, on croyait fermement à la « mentalité
primitive ». Le folklore devenait de ce fait
le plus bel exemple de cette mentalité à peine sortie des limbes de la
barbarie, dans un univers qui ne s’était pas encore interprété selon les
principes de la sacro-sainte logique aristotélicienne. De l’exaltation née des
fièvres du romantisme, on tombait dans le mépris, les contes populaires, comme
les chants du terroir, n’ayant de valeur que pour appuyer une thèse
sociologique.
C’est pourtant de cette époque que date la plus belle
moisson de ces œuvres anonymes héritées d’un passé indéfini et constamment
réactualisées par les générations qui s’en emparaient. En Bretagne, Jean-Marie
Luzel se mit à collecter tout ce qu’il pouvait encore trouver dans la tradition
orale. Luzel n’avait guère d’imagination, mais il était honnête : il se
contentait de noter fidèlement ce qu’il entendait. Il est incontestable que Luzel
nous a apporté une prodigieuse somme de contes populaires bretons dans ce
qu’ils ont de plus authentique. Lorsqu’un peu plus tard, Anatole Le Braz
reprendra le flambeau, il sera beaucoup moins fidèle, plus littéraire, plus
soucieux de donner au public des textes soignés et compréhensibles, toujours
selon le critère de la logique dominante.
Ainsi va le monde. Il faut se méfier des collecteurs de
contes lorsqu’ils ont trop de talent. Mais est-ce à dire que les textes
collectés sont d’un niveau intellectuel défiant toute concurrence, vers le bas
naturellement ? On le croyait à la fin du XIX e siècle
et au début du XX e . On en est moins certain à
présent, pour différentes raisons dont les plus intéressantes se réfèrent à
l’analyse en profondeur de ces contes, témoins à la fois d’une civilisation et
d’un système de pensée aujourd’hui révolu mais que l’on s’efforce de comprendre
comme une des multiples voies de connaissance du monde.
Certes, le danger est grand de ne voir dans les contes
populaires qu’une
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