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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Bertrand
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d'Alembert :
«Si les hérétiques n'étaient point soufferts, les fidèles désespéreraient de les ramener dans le giron de l'Eglise. Les articles de foi sont inébranlables, il n'y a pas de quoi discuter. Chacun est libre de vivre hérétique, mais il faut se taire.»
Les prévenances et les bontés de Catherine pour d'Alembert n'étaient pas, comme celles de Frédéric, exemptes de calcul. Elle voulait bien se laisser louer d'être grande et simple, mais sans abandonner le droit de commander et d'imposer les limites.
D'Alembert, ne comprenant pas ou ne voulant pas comprendre à quelle distance Catherine voulait rester de Frédéric, accepta la mission de lui présenter un mémoire en faveur de quelques prisonniers de guerre envoyés en Sibérie.
    Ces jeunes gens, recommandables par leur courage, en avaient fait très mauvais usage ; après être venus, en leur propre nom, porter dans ses États l'insurrection et la guerre, ils avaient très indiscrètement, s'il faut en croire Voltaire, dit sur elle des choses horribles.
D'Alembert, en invoquant sa clémence, lui montrait de quel avantage serait pour elle la reconnaissance des philosophes. «La république des lettres, dont la philosophie est aujourd'hui le plus digne organe et dont elle tient pour ainsi dire la plume, ne laissera ignorer ni à la France ni à l'Europe que cette même impératrice qui, du sud au nord, a fait trembler Constantinople, s'est montrée plus grande encore après la victoire que dans la victoire même ; qu'elle a su non seulement estimer, mais récompenser le courage imprudent et malheureux qui s'est trompé en osant la combattre ; que si quelques Français ont pris les armes contre elle, elle a voulu par son indulgence à leur égard témoigner à leur nation qu'elle ne la regarde point comme ennemie, et surtout qu'elle se souvient avec bonté de l'enthousiasme si juste que ses talents, ses vertus et ses lumières ont inspiré à la partie la plus éclairée de la nation.» Cette maladroite amplification de collège avait peu de chances de succès. Catherine répondit brièvement et sèchement :
«J'ai reçu la belle lettre que vous avez jugé à propos de m'écrire, au sujet de vos compatriotes prisonniers de guerre dans mes États, et que vous réclamez au nom de la philosophie et des philosophes. On vous les a représentés enchaînés, gémissant et manquant de tout au fond de la Sibérie. Eh bien ! monsieur, rassurez-vous et vos amis aussi, et apprenez que rien de tout cela n'existe.
    Les prisonniers de votre nation, faits dans différents endroits de la Pologne, où ils fomentaient et entretenaient les dissensions, sont à Kiovie (Kiev), où ils jouissent de leur propre aveu d'un état supportable. Ils sont en pleine correspondance avec M. Durand, envoyé du roi de France à ma cour, et avec leurs parents. J'ai vu une lettre d'un M. Galibert, qui est parmi eux, par laquelle il se loue des bons procédés du gouvernement général de Kiovie, etc. Voilà pour le moment tout ce que je peux vous dire d'eux. Accoutumée à voir répandre par le monde les traits de la plus noire calomnie, je n'ai point été étonnée de celle-ci ; une même source peut les avoir produites, aussi ce n'est pas de cela que je m'embarrasse, j'en suis bien consolée par tout ce que vous me dites de flatteur de la part des gens éclairés de votre patrie, à la tête desquels vous vous trouvez.
«Soyez assuré, monsieur, de la continuation de tous les sentiments que vous me connaissez.»
D'Alembert insista, parlant de Phocion, cet Athénien vertueux, estimé et chéri d'Alexandre.
Catherine lui répondit de manière à terminer la correspondance :
«Monsieur d'Alembert, j'ai reçu une seconde lettre écrite de votre main qui contenait mot pour mot la même chose que la première... Mais, monsieur, permettez-moi de vous témoigner mon étonnement de vous voir un aussi grand empressement pour délivrer d'une captivité qui n'en a que le nom des boutefeux qui soufflaient la discorde partout où ils se présentaient.»
D'Alembert n'écrivit plus à Catherine. En 1782, cependant, le fils de l'impératrice, celui qui fut Paul Ier, venant visiter Paris, voulut se rendre chez d'Alembert, et se montra pour lui plein de respect, faisant allusion en le quittant au désir que sa mère avait eu de lui donner pour précepteur l'illustre Français.
    Il lui dit en le quittant :
«Vous devez comprendre, monsieur, tout le regret que j'ai de ne pas vous avoir connu

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