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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Bertrand
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philosophiques et littéraires acquises dans la retraite, peu d'usage des hommes et encore moins des cours, peu de lumières sur les matières épineuses du gouvernement dans lesquelles un prince doit être instruit, tout cela, monseigneur, est bien loin des talents nécessaires pour remplir dignement la place que l'on me fait l'honneur de me proposer. Il y a trente ans que je travaille uniquement et sans relâche, si je puis parler de la sorte, à ma propre éducation, et il s'en faut bien que je sois content de mon ouvrage.
    Jugez du peu de succès que je devrais me promettre d'une éducation infiniment plus importante, plus difficile et plus étendue.
«Je n'ajouterai point à ces raisons, monsieur, les lieux communs ordinaires sur l'amour de la patrie. Je n'ai ni assez à me louer de la mienne pour qu'elle soit en droit d'exiger de moi de grands sacrifices, ni en même temps assez à m'en plaindre pour ne pas désirer lui être utile, si elle m'en jugeait capable ; j'y ai, en commun avec tous les gens de lettres qui ont le bonheur ou le malheur de se faire connaître par leur travail, les agréments et les dégoûts attachés à la réputation ; ma fortune y est très médiocre, mais suffisante à mes désirs ; ma santé naturellement faible, accoutumée à un climat doux et tempéré, ne pourrait en supporter un plus rude ; enfin, monsieur, c'est une des maximes de ma philosophie de ne point changer de situation quand on n'est pas tout à fait mal ; mais ce qui éloigne de moi toute envie de me transplanter, c'est mon attachement pour un petit nombre d'amis à qui je suis cher, qui ne me le sont pas moins et dont la société fait ma consolation et mon bonheur. Il n'y a, monsieur, ni honneurs, ni richesses qui puissent tenir lieu d'un bien si précieux.
«Un autre motif, non moins respectable pour moi, ne me permet pas, monsieur, d'accepter les offres si flatteuses de la cour de Russie. Il y a plus de dix ans que le roi de Prusse me fit faire les propositions les plus avantageuses ; il les a réitérées sans succès à plusieurs reprises, et mon silence ne l'a pas empêché de mettre le comble à ses bontés pour moi, par une pension dont je jouis depuis huit ans, et que la guerre n'a point suspendue. Il a été mon premier bienfaiteur ; il a été longtemps le seul ; je jouis de ses bienfaits sans avoir la consolation de lui être utile et je me croirais indigne de l'opinion favorable que les étrangers veulent bien avoir de moi, si j'étais capable de faire pour quelque prince que ce fût ce que je n'ai pas eu le courage de faire pour lui.»
    Catherine répondit elle-même :
«Monsieur d'Alembert, je viens de lire la réponse que vous avez écrite au sieur d'Odar, par laquelle vous refusez de vous transplanter pour contribuer à l'éducation de mon fils. Philosophe comme vous êtes, je comprends qu'il ne vous coûte rien de mépriser ce qu'on appelle grandeurs et honneurs dans ce monde ; à vos yeux tout cela est peu de chose, et aisément je me range de votre avis. A envisager les choses sur ce pied, je regarderais comme très petite la conduite de la reine Christine qu'on a tant loué (sic) et souvent blâmé (sic) à plus juste titre ; mais être né ou appelé pour contribuer au bonheur et même à l'instruction d'un peuple entier et y renoncer, me semble, s'est (sic) refuser de faire le bien que vous avez à coeur. Votre philosophie est fondée sur l'humanité ; permettez-moi de vous dire que de ne point ce (sic) prêter à la servir tant qu'on le peut, c'est manquer son but. Je vous sais trop honnête homme pour attribuer vos refus à la vanité ; je sais que la cause n'en est que l'amour du repos pour cultiver les lettres et l'amitié, mais à quoi tient-il ? Venez avec tous vos amis, je vous promets et à eux aussi tous les agréments et aisances qui peuvent dépendre de moi et peut-être vous trouverez plus de liberté et de repos que chez vous ; vous ne vous prêtez point aux instances du roi de Prusse et à la reconnaissance que vous lui avez ; mais ce prince n'a pas de fils. J'avoue que l'éducation de ce fils me tient si fort à coeur et vous m'êtes si nécessaire que peut-être je vous presse trop ; pardonnez mon indiscrétion en faveur de la cause et soyez assuré que c'est l'estime qui m'a rendue si intéressée.
«P.-S. Dans toute cette lettre je n'ai employée (sic) que les sentiments que j'ai trouvés dans vos ouvrages. Vous ne voudriez pas vous contredire.»
    Il faut

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