Dans le jardin de la bête
élites militaires aux États-Unis. Quand un général tenta d’enrôler l’université de Chicago dans une campagne nationale pour préparer le pays à la guerre, Dodd se rebiffa et alla se plaindre directement au commandant en chef.
Dodd souhaitait seulement une entrevue de dix minutes avec Wilson, mais il se vit accorder beaucoup plus et fut aussi complètement charmé que s’il avait bu un philtre magique dans un conte de fées. Il fut convaincu que Wilson avait raison en prônant l’intervention des États-Unis dans la guerre. Pour Dodd, Wilson devint l’incarnation moderne de Jefferson. Durant les sept prochaines années, les deux hommes devinrent amis ; Dodd écrivit sa biographie. À la mort de Wilson, le 3 février 1924, Dodd fut effondré.
Avec le temps, il en vint à considérer Franklin D. Roosevelt comme l’égal de Wilson, et il prit une part active dans la campagne de Roosevelt en 1932, parlant et écrivant en son nom quand l’occasion se présentait. Cependant, s’il avait l’espoir de devenir un membre du premier cercle de Roosevelt, Dodd fut bientôt déçu, se voyant cantonné aux tâches de moins en moins gratifiantes de sa chaire académique.
À présent âgé de soixante-quatre ans, c’était grâce à son histoire du Vieux Sud qu’il laisserait sa marque sur le monde, cette œuvre contre laquelle toutes les forces de l’Univers semblaient se liguer, y compris la décision de l’université de ne pas chauffer les bâtiments le dimanche.
De plus en plus, il envisageait 15 de quitter l’université pour occuper des fonctions qui lui laisseraient le temps d’écrire, « avant qu’il ne soit trop tard ». L’idée lui vint que l’emploi idéal serait un poste peu exigeant au Département d’État, peut-être en tant qu’ambassadeur à Bruxelles ou La Haye. Il se pensait suffisamment éminent pour briguer une telle situation, bien qu’il eût tendance à grandement surestimer son influence. Il avait souvent écrit pour conseiller Roosevelt sur des questions politiques et économiques, avant et juste après sa victoire. Dodd fut certainement exaspéré quand il reçut de la Maison-Blanche, après les élections, une lettre type stipulant que, en dépit du fait que le président souhaitait répondre avec promptitude à chaque lettre lui parvenant, il ne pouvait le faire personnellement à chacun dans les meilleurs délais, aussi en avait-il chargé son secrétaire.
Toutefois, Dodd avait de bons amis qui étaient proches de Roosevelt, parmi lesquels le nouveau secrétaire au Commerce, Daniel Roper. Les enfants de Dodd étaient pour celui-ci comme ses neveux et nièces, suffisamment proches pour que le père charge son fils de demander à Roper si la nouvelle administration pourrait envisager de le nommer à un poste en Belgique ou aux Pays-Bas. « Le gouvernement doit désigner 16 quelqu’un à ces postes, mais la somme de travail n’y est pas trop lourde », avait dit Dodd à son fils. Il ne lui cacha pas qu’il était principalement motivé par son désir d’achever son Vieux Sud . « Je ne souhaite pas recevoir une nomination de la part de Roosevelt, mais je tiens beaucoup à mener à bien l’un des objectifs de ma vie. »
Autrement dit, Dodd cherchait une sinécure, un poste peu exigeant mais qui lui procurerait une certaine envergure et un salaire, et, surtout, lui laisserait tout son temps pour écrire – cela en dépit du fait qu’il reconnaissait que son tempérament était peu adapté à la diplomatie. « Je ne suis pas fait pour 17 la diplomatie internationale (Londres, Paris, Berlin), écrivait-il à sa femme début 1933. Je suis peiné que ce soit le cas selon tes propres dires. Je ne suis tout simplement pas le genre roublard, hypocrite, tout ce qui est nécessaire pour “mentir à l’étranger pour son pays”. Si je l’étais, je pourrais aller à Berlin et faire acte d’allégeance à Hitler… et me remettre à l’allemand. » Mais, ajoutait-il : « Pourquoi perdre son temps à écrire sur un tel sujet ? Qui aurait envie de vivre à Berlin pendant les quatre ans à venir ? »
Que ce soit à cause de la conversation de son fils avec Roper ou le jeu d’autres forces, le nom de Dodd circula bientôt. Le 15 mars 1933, au cours d’un séjour dans sa ferme de Virginie, il se rendit à Washington pour un rendez-vous avec le nouveau secrétaire d’État de Roosevelt, Cordell Hull, qu’il avait
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