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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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son collègue avait commencé à virer à la méfiance. Il sentait que Messersmith convoitait son propre poste, et son incessante production de rapports lui apparaissait comme la manifestation de ses ambitions. « Il me vient à l’esprit  16 , signalait-il à Phillips, qu’il sent qu’une promotion lui est due et, semble-t-il, que ses services l’exigent ; mais je suis sûr d’une chose, c’est que la période la plus utile de sa mission ici est terminée. Vous savez comme moi qu’au vu des circonstances et des conditions, et parfois des déceptions, il est plus sage de muter même les employés de l’État les plus capables. » Il enjoignait Phillips de s’entretenir de la question avec le chef du service consulaire, Wilbur Carr, « pour voir si une telle chose est envisageable ».
    « Il va sans dire que j’espère que tout cela restera entièrement confidentiel », concluait-il.
    Que Dodd ait imaginé que Phillips garderait le secret donne à penser qu’il ignorait que Phillips et Messersmith correspondaient régulièrement en dehors du flot des rapports officiels. Quand Phillips répondit à Dodd à la fin novembre, ce fut avec son ironie habituelle ; son ton était léger et plaisant, ce qui suggère qu’il cherchait simplement à faire plaisir à Dodd, se montrant réceptif tout en faisant peu de cas de l’affaire. « Les lettres et dépêches  17  de votre consul général sont pleines d’intérêt, mais devraient être réduites de moitié… comme vous dites. Je vous souhaite bon courage ! Je compte sur vous pour appliquer partout cette réforme fort souhaitable. »
     
    Le dimanche 29 octobre  18 , vers midi, Dodd longeait la Tiergartenstrasse pour se rendre à l’Hôtel Esplanade. Il remarqua une grande procession de Sturmtruppen vêtus de chemises brunes révélatrices se dirigeant vers lui. Les piétons s’arrêtaient et criaient « Heil Hitler ! » .
    Dodd quitta la rue et s’enfonça dans le parc.

22
    B RUIT DE BOTTES
AU TRIBUNAL
    L e temps fraîchissait et, chaque jour, le crépuscule nordique semblait progresser de manière notable. Il y avait du vent, de la pluie et du brouillard. En ce mois de novembre, la station météo de l’aéroport de Tempelhof enregistra la présence de brouillard quatorze jours sur trente. La bibliothèque du 27 a Tiergartenstrasse devint d’un confort irrésistible, avec les livres et les murs damassés ambrés par les flammes de la grande cheminée. Le samedi 4 novembre, au terme d’une semaine de pluie et de vent particulièrement maussade, Martha se mit en route pour le bâtiment du Reichstag, où un tribunal de fortune avait été édifié en vue de l’audience à Berlin du procès du grand incendie. Elle avait sur elle un ticket que lui avait procuré Rudolf Diels.
    Des « nuées » de policiers armés de fusils et d’épées encerclaient le bâtiment, selon un observateur. Tous ceux qui essayaient d’entrer étaient arrêtés et contrôlés. Quatre-vingt-deux correspondants étrangers s’entassaient dans la tribune de presse au fond de la salle. Les cinq juges, sous la houlette du président du tribunal Wilhelm Bünger, étaient vêtus d’une toge écarlate. Dans le public se trouvaient des SS en noir et les SA en chemise brune, de même que des civils, des fonctionnaires et des diplomates. Martha découvrit avec stupéfaction que son ticket la plaçait non seulement au rez-de-chaussée, mais dans les premiers rangs de la salle, parmi divers dignitaires. « Je me suis avancée, la gorge serrée  1 , car j’étais placée beaucoup trop près », raconte-t-elle.
    Le coup d’envoi de la journée se situait à neuf heures quinze, mais le témoin vedette, Hermann Göring, était en retard. Probablement pour la première fois depuis que les audiences avaient commencé en septembre, il y avait un réel suspense dans la salle. Le procès aurait dû être bref et offrir simplement aux nazis une scène mondiale pour condamner les maux du communisme et, en même temps, récuser l’opinion largement répandue qu’ils avaient mis le feu eux-mêmes. Au contraire, malgré l’évidence que le président du tribunal était acquis à l’accusation, les débats s’étaient poursuivis comme dans un vrai procès, les deux parties présentant une profusion de preuves. L’État espérait prouver que les cinq accusés avaient joué un rôle dans l’incendie, même si Marinus Van der Lubbe soutenait

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