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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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magistrats. De temps à autre, il changeait de position comme pour mieux admirer Göring. Martha fut convaincue que Diels avait organisé le numéro de Göring, et avait peut-être même rédigé son discours. Elle se souvint que Diels était « particulièrement désireux de me voir présente  7  ce jour-là, presque comme pour me faire admirer son œuvre ».
    Diels s’était prononcé contre un procès à tout autre que Van der Lubbe et prédit l’acquittement des autres prévenus. Göring ne l’avait pas suivi, bien qu’il admît l’importance de l’enjeu. « Un procès bâclé  8 , avait reconnu Göring, pourrait avoir des conséquences désastreuses. »
     
    Dimitrov se leva pour prendre la parole. Maniant le sarcasme et le calme logique, il espérait clairement faire exploser Göring, célèbre pour ses colères. Il déclara que l’enquête de police concernant l’incendie et l’instruction du procès avaient été influencées par les directives politiques de Göring, « empêchant de ce fait l’arrestation  9  des véritables incendiaires ».
    « S’il a été permis que la police soit influencée dans une direction quelconque, affirma Göring, elle n’a pu l’être que dans le bon sens.
    – C’est votre opinion, contra Dimitrov. La mienne est très différente.
    – Mais c’est la mienne qui compte », trancha Göring.
    Dimitrov souligna que le communisme, que Göring avait qualifié de « mentalité criminelle », dominait en Union soviétique. Ce pays « a des contacts diplomatiques, politiques et économiques avec l’Allemagne. Ses commandes fournissent du travail à des centaines de milliers de travailleurs allemands. Le ministre sait-il cela ?
    – Certainement, assura Göring en ajoutant que ce débat était hors de propos. Ici, je ne m’intéresse qu’au Parti communiste d’Allemagne et aux canailles communistes de l’étranger qui viennent chez nous pour mettre le feu au Reichstag. »
    Ils continuèrent à croiser le fer, le président du tribunal intercédant de temps à autre pour empêcher Dimitrov de « faire de la propagande communiste ».
    Göring, n’ayant pas l’habitude d’être défié par quelqu’un qu’il jugeait comme un inférieur, devenait de plus en plus furibond.
    « Mes questions vous effraient beaucoup, remarqua calmement Dimitrov. N’est-ce pas, Herr Minister  ? »
    Sur ce, Göring perdit son sang-froid. « C’est vous qui aurez peur quand je vous aurai pris. Attendez que je vous attrape en dehors de l’autorité du tribunal, espèce de voyou ! »
    Le juge ordonna l’expulsion de Dimitrov ; le public explosa en applaudissements. Mais ce fut la menace finale de Göring qui fit les gros titres. Le moment était révélateur à deux égards – premièrement, parce qu’il trahissait la peur de Göring que Dimitrov soit acquitté, et, deuxièmement, parce qu’il permettait d’entrevoir, comme par une entaille au scalpel, dans le cœur irrationnel, meurtrier, de Göring et du régime hitlérien.
    Cette journée affaiblit davantage la sympathie de Martha pour la révolution nationale-socialiste. Göring s’était montré arrogant et menaçant, Dimitrov calme et charismatique. Martha était impressionnée. Dimitrov, écrit-elle, était « un homme brillant, séduisant, sombre  10 , dont il émanait une vitalité, un courage étonnants, comme je n’en avais encore jamais vu chez un homme en proie à la tension. Il était vivant, il se consumait ».
     
    Le procès retrouva son état lymphatique, mais le mal était fait. Le reporter suisse, comme des dizaines d’autres correspondants étrangers présents dans la salle d’audience, reconnut que l’explosion de Göring avait transformé les débats : « Car le monde a appris  11  que, peu importe si l’accusé est condamné ou acquitté par la cour, son sort est déjà scellé. »

23
    L A DEUXIÈME MORT
DE B ORIS
    C omme l’hiver approchait, Boris occupa le centre de la vie sentimentale compliquée de Martha. Ils inscrivirent des centaines de kilomètres au compteur de sa Ford décapotable, avec des incursions dans la campagne autour de Berlin.
    Au cours d’une de ces excursions, Martha repéra un vestige de l’ancienne Allemagne, un calvaire au bord de la route, et voulut s’arrêter pour le regarder. Elle découvrit une représentation très frappante de la crucifixion. Le visage de Jésus était contorsionné dans une expression de douleur

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