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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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d’associer – hors ses prêches – l’esprit de feu Evermacher à la félicité de ses fidèles.
    N’était la belle vertu de ses habitants, Cantimpré ne pouvait être reconnu comme un lieu de miracles chrétiens et rien n’embarrassait plus l’Église.
    Toutefois plusieurs familles du pays délaissèrent leur lieu de naissance pour rejoindre les habitants comblés de Cantimpré.
    Une telle fortune faisait dire à certains – mais à mi-voix surtout, pour ne point rompre le charme – que Cantimpré était un village « béni de Dieu ».
    Confronté à la soudaine prolifération de jeunes enfants, le père Aba dut ajuster son sacerdoce et imaginer une nouvelle conception de l’enseignement des petits. Il remit à plus tard les paraboles du dogme et les abrégés de l’Histoire sainte pour leur inculquer, à la place, de petits adages.
    — Apprendre un dicton, c’est aussitôt pouvoir le traduire en acte, professait-il.
    Il s’inspirait de maximes antiques, favorisant des formules qui sauraient frapper la jeune imagination de son auditoire :
    Il n’y a pas de place pour deux pieds dans une même chaussure.
    Quand le feu est à la maison de ton voisin, la tienne est en danger
    Il vaut mieux avoir l’œuf aujourd’hui que la poule demain.
    Cracher contre le ciel, c’est se cracher au visage.
    Aba était convaincu que de tels consommés de sagesse logés quelque part dans une tête, même sans lumières, pouvaient à terme ne produire que du bien.
    Sur la douzaine d’enfants présents ce matin devant lui, l’un d’eux se faisait remarquer par sa réserve. Alors que chacun dévorait sa portion de pain, lui restait mesuré, étranger à l’excitation qui l’environnait.
    Son nom était Perrot.
    Il portait un sarrau neuf vert-de-gris. Blond, les yeux très bleus, il captait toujours l’attention du père Aba tant il comprenait mieux et plus soudainement que les autres. C’était un enfant mystérieux, prometteur, fils unique de Jerric le menuisier et de sa femme Esprit-Madeleine, dite la « boiteuse ». Il était le favori du prêtre, fasciné par ses aptitudes naturelles.
    Aujourd’hui, sans raison apparente, Perrot se montrait taciturne et inquiet. Aba se promit de l’interroger à la fin de la leçon.
    — Silence ! lança-t-il sitôt les écuelles vidées et le pain disparu.
    Les enfants quittèrent la table et jouèrent des coudes pour occuper la meilleure place auprès du poêle.
    Le professeur avait choisi pour ce matin un dicton qu’il savait promis à un beau succès :
    Nul n’est dégoûté de sa propre mauvaise odeur.
    Dès qu’il l’eut énoncé, ce fut un tonnerre d’éclats de rire. Et l’on commença d’échanger des plaisanteries sur tel ou tel du village.
    Aba conduisait insensiblement les petits vers les fins morales recherchées ; il était un excellent conteur et un pédagogue né.
    Au-dehors, Augustodunensis s’occupait de l’office liturgique. La petite église de Cantimpré s’était remplie de la presque totalité des paroissiens. Le sentiment de grâce qui habitait ces simples bergers les avait rendus assidus au culte. Ce matin, seules cinq femmes, interdites d’entrer dans l’église parce qu’elles étaient enceintes et considérées comme impures, et quelques nourrissons restaient dans le village.
    Auguste s’apprêtait à réciter l’ordinaire lorsqu’un fracas ébranla le portail de l’église et résonna dans la modeste nef.
    Tout le monde tourna la tête.
    Aranjuez, le doyen de Cantimpré, quitta son rang pour aller voir ce qui se passait.
    Il trouva la porte close depuis l’extérieur.
    L’angoisse monta dans l’église. Les hommes eurent beau s’épuiser à heurter et tirer le portail, ils comprirent qu’ils étaient prisonniers.
    Au presbytère, le père Aba ne perçut pas tout de suite le pas lourd des chevaux qui approchaient de sa maison.
    Un hennissement recouvrant soudain les paroles des enfants, il dressa la tête et leva le bras. Les petits se turent.
    La porte du presbytère fut secouée.
    Il s’agissait de la porte du fond, celle employée par Augustodunensis et qui donnait sur la resserre. Elle était toujours fermée à clef, le froid s’y insinuant lorsque le verrou n’y était pas. Auguste l’avait verrouillée avant de rejoindre l’église.
    Tous les villageois savaient que cette porte restait fermée en cette saison. Seul un étranger pouvait vouloir l’emprunter.
    Les enfants s’inquiétèrent du visage

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