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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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communauté de race, de religion, de lois et de mœurs, il s'établit entre eux des différences marquées.
    L'homme des kouallas est de petite taille, souple, musculeux et bien pris; ses extrémités sont fines et sèches; il devient rarement obèse, souvent même il est comme frappé d'émaciation; il est en général plus barbu et velu que l'homme des deugas; sa tête est petite, son visage court, son teint, selon les indigènes, tend à se foncer, et ses cheveux à devenir épais et rudes; sa denture est très-belle, ses yeux grands; il a les traits accentués, le front souvent fuyant, le nez ordinairement droit, petit, aux ailes grandes et mobiles, et très-rarement aquilin.
    L'homme des deugas est d'une taille plus élevée, d'une ossature relativement forte, ses extrémités sont grandes et charnues, ses muscles peu apparents et ses chairs abondantes; son teint est souvent aussi foncé, mais sur ces hauts plateaux l'on trouve plus fréquemment les femmes au teint clair, mat, légèrement doré, se rapprochant, comme il a été dit, du teint européen. Les mauvaises dentures, très-rares en Éthiopie, se trouvent plutôt chez le natif du deuga, dont les dents sont, en général, moins remarquablement belles; son visage est plus souvent oblong que rond; son front large et haut; l'angle facial ouvert; les yeux moins grands, le nez plus développé et quelquefois aquilin.
    La physionomie de l'homme des kouallas est expressive; son regard mobile, ardent; ses gestes et sa démarche trahissent la vivacité de ses impressions; aussi, manque-t-il ordinairement de cette dignité de maintien résultant de la possession de soi-même. Il est abrupte dans ses façons, original dans ses habitudes, persiffleur, goguenard et tapageur; il parle haut, son élocution est rapide et figurée; son organe vibrant, souple, musical, sa prononciation claire et sa voix blanche; ses lèvres sont plutôt minces. Lorsqu'il a le don de la parole, il surprend, touche et remue plutôt peut-être que son compatriote des hauts pays; mais il est enclin à corrompre la langue par des innovations pittoresques. Il passe pour être imprévoyant, susceptible, colère, franc, charitable, ostentateur, fantasque, actif et indolent par accès, peu soucieux de la vie et impétueux au combat. Il aime les longs festins, la parure, la danse, la musique, la poésie, et lorsqu'au milieu du silence embrasé du midi ou sur le soir, on entend dans la campagne une voix qui chante, c'est celle de quelque chevrier ou de quelque laboureur du koualla qui monte jusqu'à vous.
    Sur le bord de son plateau, l'homme du deuga s'arrête, écoute et sourit de plaisir, mais aussi de dédain. Il est plus sobre de paroles et de gestes; il manifeste moins bruyamment les mouvements de son âme; sa physionomie et son maintien sont graves; le regard est plutôt contemplatif, l'organe lourd, voilé, il parle souvent en fausset; sa diction est lente, il affecte la rudesse, aime les formes concises, sentencieuses, corrompt la langue à sa manière, mais parle plus purement que l'homme du koualla. On dit que lorsqu'il a le don de l'éloquence, ce qui lui arrive plus rarement, il remue moins, mais domine et entraîne bien plus que son compatriote des kouallas. Il a la réputation d'être patient, mais de ne point oublier l'injure, d'être calculateur, économe, défiant, âpre au gain. Il est moins querelleur, moins hospitalier, moins vain, plus orgueilleux, plus processif, plus fourbe; ses sentiments religieux sont moins démonstratifs et il est moins encombré peut-être de superstitions. Il aime aussi la poésie et la musique et préfère les airs lents, tristes, et les pensées mélancoliques. Il est moins bon fantassin, moins bon pour fournir à un effort subit et attaquer une position, mais, quoique supportant moins bien les fatigues et les privations, il est plus apte à faire de longues campagnes, à combattre en ligne, et surtout à couvrir une retraite. Il mange, boit et dort plus que l'homme des contrées basses, et il vieillit bien moins vite, assure-t-on. Les indigènes disent qu'il n'est pas rare que le plus jeune d'une famille, native du deuga, après avoir vécu quelques années dans un koualla, reparaisse au milieu des siens, avec la chevelure et la barbe blanchies, tandis que ses frères commencent à peine à grisonner.
    Les femmes des kouallas passent pour être les plus jolies, les plus attrayantes et savoir se draper avec le plus de coquetterie dans la toge; leur

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