Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
Vom Netzwerk:
éclat est précoce, mais peu durable; leur accortise, la beauté de leur regard, la gracieuse souplesse de leur démarche, la perfection de leurs formes et la mobilité de leur caractère justifient, du reste, la jalousie proverbiale de leurs maris.
    Les femmes des deugas, plus grandes, plus fortes, sont moins avenantes, moins gracieuses, moins fécondes, dit-on, mais plus laborieuses, plus économes, moins fantasques et plus soumises; belles plutôt que jolies, elles passent pour exercer des séductions moins entraînantes que les femmes des kouallas, mais elles conquièrent dans la famille une prépondérance plus durable.
    Comme les libertés communales ont survécu à tous les bouleversements politiques, la famille est encore assez forte; la constitution du mariage civil dissoluble semble peu faite, il est vrai, pour la conserver dans cet état; aussi les us et coutumes ont-ils renforcé la puissance du père jusqu'au point de lui permettre, comme à Rome, de disposer de la vie de ses enfants. Au dire des indigènes, les familles des contrées kouallas, quoique fréquemment les plus nombreuses, se perpétuent moins, et les liens de famille sont moins forts que sur les hauts plateaux. Le père permet à l'enfant de développer sa personnalité de bonne heure, et, sinon en droit, en fait du moins l'émancipation a lieu bien plus tôt; la mère exerce moins d'empire dans la maison; les allures et les mœurs domestiques ont un caractère indépendant et moins respectueux.
    En contrée deuga, au contraire, le père et la mère jouissent d'une autorité durable; on y remarque plus fréquemment le type de la matrone, siégeant depuis longtemps à l'arrière-plan de la vie, ou de l'aïeul conseillant et dirigeant la conduite des petits-fils.
    On attribue cette différence à la pétulance et au peu de gravité des natifs du koualla, dispositions peu favorables à l'obéissance filiale comme au prestige de l'autorité paternelle; on l'attribue également, et avec plus de raison peut-être, à l'instabilité du foyer domestique. En effet, les contrées kouallas sont d'une fécondité prodigieuse; souvent elles rapportent plus de 400 pour 1; mais leur production est sujette à des retours désastreux causés par les sécheresses, les sauterelles, les épizooties, les animaux sauvages, enfin, par la mortalité qui suit la recrudescence des fièvres du printemps et de l'automne, et qui arrête quelquefois, en quelques semaines, la prospérité d'une maison ou de tout un district; aussi, les habitants des kouallas sont-ils souvent réduits à l'émigration. Comme je l'ai dit ailleurs, leur attachement à leurs terres est tel, que ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'ils les abandonnent. Souvent ils vivent dispersés durant plusieurs années: quelquefois même leur génération s'éteint à l'étranger, mais leurs enfants guettent le moment où ils pourront se rétablir dans le district paternel, et, trait digne de remarque, lorsqu'ils en reprennent possession, la tradition locale est assez vivante et assez précise, pour qu'à la première assemblée, la hiérarchie communale soit réinstituée d'après les règles qui auraient été suivies si la population n'avait jamais quitté le district. La délimitation des propriétés est rétablie avec une exactitude qui prévient habituellement les procès; les alliances et les démêlés avec les communes voisines sont renouvelés, et, si les premières récoltes, l'état de la politique et les conditions sanitaires sont favorables, la commune redevient riche, mais la famille ne répare qu'imparfaitement les atteintes que de telles péripéties ont portées à son esprit. Dans les contrées deugas, au contraire, toutes salubres, la fertilité est bien moindre, il est vrai, mais elle est continue; les sauterelles et les épizooties ne les envahissent qu'à de longs intervalles; la richesse s'accroît lentement, mais sa durée sauvegarde le calme de la famille et la transmission inaltérée de son esprit.
    La portion la plus considérable, peut-être, de la nation éthiopienne habite ces contrées d'altitude intermédiaire nommées Waïna-Deugas. Est-ce parce que, ordinairement, les termes moyens l'emportent, et que les moyennes sont à la fois les causes et le résultat des civilisations? Le fait est que presque toutes les villes sont établies sur les Waïna-Deugas, et que les populations passent pour y être les plus civilisées. Leur climat, leurs productions agricoles,

Weitere Kostenlose Bücher