Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
dans des estuis de soye. Cette grande et imcomparable multitude de livres ( comme l'on croit ) commença d'être ramassée par Makada ou Nicaula, Reyne de Saba, et Melilek, son fils, qu'elle eut de Salomon. Duquel on dit que les œuures y sont conseruées avec celles d'Enoch, Noé, Abraham, et Job et des autres S.S. Pères: comme il appert par le catalogue fait par Antoine Bricus et Laurent Crémones. Lesquels par le commandement du pape Grégoire XIII et la prière du cardinal Guillaume Sirlet purent visiter ce miracle du Monde, pour les livres, que l'on appelle en langue Æthiopique ASSABRARIA. C'est une chose et très-digne de remarque que la pratique qui se prit dans le couronnement des Empereurs des Abyssiens; qui est le don qu'on leur fait des clefs de cette Bibliothèque Royale du Mont Amara, pages 51, 52.»
(Traicté des plus belles bibliothèques publiqves et particvlières, qvi ont esté, et qvi sont à présent dans le monde. Divisé en deux parties. Composé par le P. Lovys Jacob. À Paris, chez Rolet Le Duc, rue Saint-Jacques, près la Poste. M. DC. XLIV. Avec privilége du Roy.)
Note 9: (retour) En Europe, où les besoins et l'attirail de la vie se sont multipliés, on conçoit malaisément que des communes entières puissent effectuer de longs voyages et vivre longtemps à l'étranger, sans se dissoudre. J'ai été à même de voir fréquemment, sur une échelle réduite, ces migrations de communautés, et la constance avec laquelle elles gardaient leur organisation dans les pays, où elles avaient à vivre, m'a souvent donné lieu d'admirer ces effets de l'autonomie communale.
Sitôt après la mort d'Ahmed Gragne, les populations rentrèrent dans leurs provinces, et ce dut être un étrange spectacle que celui de tout un peuple revenant ainsi d'un exil de plusieurs années et reprenant avec ordre possession de l'héritage de ses pères. En conséquence de leur organisation vivace, dès leur rentrée, les communes se trouvèrent reconstituées régulièrement; encouragées par le clergé des campagnes, elles se dressèrent devant l'Empereur, reprirent leurs droits, et la lutte recommença aussi vive que jamais. Les querelles religieuses l'avivèrent, et ces populations, quoique réduites, se livrèrent de nouveau aux guerres civiles. Grâce à l'unité de commandement, les partisans du Césarisme éthiopien l'emportèrent encore une fois, et les Empereurs purent opérer sans entraves la restauration de leur pouvoir d'après les formes les plus commodes pour leur omnipotence.
Mais quelque ingénieux que soit un législateur à disposer une société sur un plan préconçu, et quelque puissant qu'il soit, elle échappe toujours en quelques parties à ses prévisions et amène par là l'écroulement de son édifice. L'homme n'invente pas plus une société qu'une langue: il contribue à leur vie; il les peut modifier; trop souvent, il ne fait que les corrompre. L'invasion de Gragne était venue au moment où les Dedjazmatchs commençaient à se retourner contre l'Empereur. Celui-ci, ayant maîtrisé encore une fois les communes, disposant à son gré d'une aristocratie décimée et ruinée par la récente invasion, et débarrassé en même temps des craintes que lui avait données la puissance déjà excessive de ses Dedjazmatchs, aurait fait un retour sur lui-même: la solitude de son pouvoir l'effraya; il dit à ses conseillers:
—Le fils de l'homme ne saurait porter seul la toute-puissance.
Mais il n'eut ni la grandeur d'âme, ni la prudence de déposer ses pouvoirs usurpés et de reprendre ceux que lui conféraient les constitutions primitives. Il crut sauver l'Empire par des demi-mesures: il rendit par octroi aux communes une partie de leur autonomie; mais pour les maintenir dans sa dépendance et en imposer en même temps aux Dedjazmatchs et autres grands Polémarques dont il restreignit le nombre et les attributions judiciaires, il forma des terres qui étaient restées sans maîtres, des fiefs ingénieusement répartis, et les donna par investiture annuelle aux cognats impériaux ou à ses créatures, en les liant à la couronne par une vassalité directe. Il institua à perpétuité un nombre considérable de fiefs de franc alleu, tenus, les uns au service de guerre, les autres à payer un cens annuel; des terres dites de bouclier, de javeline ou de cavalier, semblables à celles dites Ziamet , Timor ou Kilidj , dans la constitution territoriale turque, et dont le propriétaire doit, en
Weitere Kostenlose Bücher