Druides et Chamanes
résultat du contact des Celtes primitifs avec les populations qu’ils ont côtoyées au cours de leurs migrations aussi bien qu’avec les tribus autochtones qui se trouvaient déjà sur l’île d’Irlande.
C’est ainsi qu’a été rédigée au XII e siècle une compilation connue sous le nom de Leabhaor Gabala , c’est-à-dire « Livre des Conquêtes », qui prétend raconter l’histoire d’Irlande depuis la veille du Déluge, avec bien sûr des emprunts à la tradition biblique que connaissaient fort bien les moines chrétiens. Au XVII e siècle, cette compilation sera résumée, mais parfois complétée, par un érudit, un certain John Keating, sous le titre d’ Histoire d’Irlande . Tout cela appartient bien entendu au mythe et devient souvent fort déroutant ; mais il faut reconnaître que de tels documents sont nécessaires si l’on veut pénétrer au fond du puits obscur de la mémoire celtique, et surtout obtenir des détails sur les pratiques druidiques.
Ainsi en est-il d’un texte qui porte le titre de Siège de Drum Damghaire . Il est présenté comme historique et met en scène la rivalité de deux rois qui se disputent chacun la primauté. Mais ce qui est remarquable, c’est que ce sont leurs druides qui se livrent à une lutte sans merci au moyen de méthodes qui n’ont vraiment aucun point commun avec l’art militaire : ce ne sont que feux, tempêtes et brouillards druidiques , le tout présenté de telle sorte qu’on a l’impression de se trouver devant la mise en images de rêves provoqués par l’utilisation de substances hallucinogènes. Mais il n’y a pas que dans ce texte que les batailles soient présentées comme magiques : la plupart des récits mythologiques et épiques de l’Irlande gaélique contiennent tous une importante proportion de phénomènes de ce genre, même ceux qui, en apparence, présentent le plus d’éléments christianisés.
On peut en dire autant des nombreuses et célèbres « Vies des Saints » irlandais, y compris celles qui sont écrites en latin. Les pieux personnages dont on nous décrit l’existence parfois paisible, parfois tumultueuse, connaissent parfaitement les pratiques magiques, et ils les utilisent tant pour le bien des nouveaux convertis que pour lutter contre les forces hostiles – et donc diaboliques. C’est ce qui se passe pour saint Patrick, le patron de l’Irlande (qui est peut-être la synthèse de plusieurs personnages réels confondus), lorsqu’il engage des combats magiques avec les druides afin de persuader la population que la magie chrétienne est plus efficace que la magie païenne . Et que dire de la vie légendaire de la fameuse sainte Brigitte de Kildare (qui n’est autre qu’une christianisation de la déesse Brigit au triple visage, étonnant personnage mythologique) ? Il est vrai que l’existence historique de ces innombrables « saints », dont on prétend que beaucoup sont venus évangéliser la Bretagne armoricaine {31} , est loin d’être assurée…
Au regard de cette incroyable richesse en récits irlandais de toutes sortes, la tradition du Pays de Galles en comporte fort peu, mais ils n’en sont pas moins révélateurs d’un fonds commun. Datant des mêmes époques que les premières épopées irlandaises, ils ont été recueillis beaucoup plus tard dans des manuscrits des XII e , XIII e et XIV e siècles, en langue galloise. Ce sont essentiellement les célèbres Livre d’Aneurin, Livre Noir de Carmarthen, Livre de Taliesin, Livre Rouge de Hergest et Livre Blanc de Rydderch , auxquels on peut joindre d’autres manuscrits fragmentaires ou plus récents qui ne font guère que reprendre des textes déjà collectés dans les précédents, avec des variantes qui sont toujours intéressantes à étudier.
Le plus ancien, qui remonte peut-être au XI e siècle et qui, de toute façon, reprend des données bien antérieures et très archaïques, est le Livre d’Aneurin , nommé ainsi à cause du supposé auteur, barde gallois du VI e siècle. Il ne contient que des poèmes, en particulier la vaste épopée en vers qui porte le titre de Y Goddodin , laquelle raconte avec force détails une expédition malheureuse des Bretons du nord contre des tribus pictes, et où, pour la première fois, est prononcé le nom du mystérieux roi Arthur, sans plus de détails.
Le Livre Noir de Carmarthen , probablement collecté au début du XII e siècle, est une sorte de pot-pourri de poèmes
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