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Druides et Chamanes

Druides et Chamanes

Titel: Druides et Chamanes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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des êtres divins ou supposés tels. Et surtout, il semble que ce dieu absolu – et abscons – ne pouvait être honoré que dans un milieu naturel, au milieu des forêts, dans des clairières sacrées, le nemeton , lieu symbolique où s’élaboraient les délicates fusions entre le visible et l’invisible, entre les forces cosmiques et les forces telluriques.
    Car on ne peut douter une seule seconde du caractère spiritualiste de la religion des druides. Si les affirmations de César (VI, 14) demeurent quelque peu ambiguës quand il dit que, selon les druides, « les âmes ne périssent point mais passent après la mort d’un corps dans un autre », Lucain, dans son épopée historique, La Pharsale , est beaucoup plus précis : « La mort n’est que le milieu d’une longue vie. » Et il ajoute : « Les ombres ne gagnent pas le séjour silencieux de l’Érèbe et les pâles royaumes de Dis, le même esprit gouverne un autre corps dans un autre monde » (v. 450-451). Il en est de même pour Pomponius Mela : « Les âmes sont immortelles et il y a une autre vie chez les morts » (III, 3). Mais c’est dans un texte de Lucien de Samosate, philosophe sceptique du II e  siècle de notre ère, que se trouve l’information la plus précieuse concernant l’essentiel de la théologie druidique.
    Dans un passage de ses Discours ( Héraklès , 1-7), il décrit avec précision – et étonnement – un monument figuré d’origine celtique qu’il prétend avoir vu lui-même {29}  : « Les Celtes, dans la langue de leur pays, nomment Héraklès Ogmios , mais l’image qu’ils donnent du dieu est tout à fait particulière. Pour eux, c’est un vieillard sur la fin de sa vie, chauve sur le devant de la tête, les cheveux restants étant tout blancs, la peau rugueuse, comme brûlée par le soleil, au point d’être noircie comme celle des vieux marins. On le prendrait davantage pour Charon […] que pour Héraklès. Mais tel qu’il est, il a l’équipement d’Héraklès : il porte la débouille du lion, il tient une massue de la main droite, il a le carquois à l’épaule et un arc tendu à la main gauche. »
    Il est déjà surprenant de voir un personnage comme « Hercule », emblème de la force physique, représenté sous les traits d’un vieillard presque débile, mais la suite est encore plus déroutante : « Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce portrait, c’est que cet Héraklès vieillard attire à lui une foule considérable d’hommes, tous attachés par les oreilles à l’aide de petites chaînes d’or ou d’ambre , pareilles à de beaux colliers. Et, bien que ces hommes soient ainsi à peine attachés, ils ne veulent point s’enfuir. Au contraire, ils suivent leur conducteur, tous gais et joyeux, et ils semblent le combler d’éloges. […] Ce qui me paraissait le plus insolite dans tout cela, c’est que le peintre, ne sachant pas où suspendre le début des chaînes, puisque la main droite tenait déjà la massue et la main gauche l’arc, avait perforé la langue du dieu et faisait tirer par elle les hommes qui le suivaient et vers lesquels il se retournait en souriant . »
    Il est évident que le narrateur est si décontenancé par ce spectacle qu’il ne peut qu’accuser le peintre – un barbare ! – de gaucherie et d’avoir placé le début des chaînes là où il le pouvait. Heureusement, un Gaulois qui se trouve présent, et qui semble bien connaître la mentalité grecque, vient à son secours et lui donne une explication qui justifie pleinement cette étrange représentation en y apportant une dimension métaphysique de première importance :
    « Nous autres, Celtes, nous n’identifions pas l’éloquence comme vous, les Grecs, à Hermès, mais à Héraklès, car Héraklès est beaucoup plus fort qu’Hermès. D’autre part, si on en a fait un vieillard, ne t’en étonne point : c’est seulement dans la vieillesse que l’éloquence atteint son plus haut point. […] Ne t’étonne donc pas de voir l’éloquence représentée sous forme humaine par un Héraklès âgé qui conduit de sa langue les hommes enchaînés par les oreilles . » Il suffit de prendre le terme « éloquence » pour l’équivalent de « parole » pour comprendre le sens profond de cette représentation : c’est la parole divine qui conduit les actions des hommes, et cela rejoint étrangement l’Évangile de Jean : « au début était le Verbe, et le Verbe s’est

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