Emile Zola
Médan pour s'installer à Paris, dans leur appartement de la rue de Bruxelles, n° 2 bis. C'était la rentrée hivernale d'usage. M. et Mme Zola se couchèrent de bonne heure. Ils faisaient chambre commune. Des travaux de réparation étaient urgents dans l'appartement. Il convenait, notamment, de remettre en état un tuyau de chute du cabinet de toilette.
Des ouvriers avaient été commandés. Les plombiers devaient venir, le lendemain, commencer le travail. Ils se présentèrent, comme il avait été convenu, le lundi matin, à huit heures. Il fallait passer par la chambre à coucher pour pénétrer dans le cabinet de toilette. On frappa à la porte.
Personne ne répondit. Alarmés, les domestiques enfoncèrent la porte. On trouva Émile Zola, à terre, au pied du lit, sans connaissance, au milieu de déjections et de vomissements. Mme Zola gisait, inanimée, sur le lit.
On ouvrit les fenêtres, on courut à la recherche d'un médecin. Il en vint deux. Ils pratiquèrent la traction rythmique de la langue et essayèrent d'obtenir la respiration artificielle. Le pouls de Mme Zola était perceptible. Zola, lui, demeurait inerte.
On ne put, malgré ces soins, que constater la mort du grand romancier. Après trois heures de secours, Mme Zola reprit connaissance. On la transporta dans une maison de santé, à Neuilly, chez le docteur Defant. Elle se rétablit assez promptement.
L'enquête à laquelle il fut procédé par le commissaire de police du quartier Saint-Georges, puis par le docteur Vibert, médecin légiste, et l'analyse du sang, faite par M. Girard, expert-chimiste du Laboratoire municipal, permirent d'attribuer la mort à un empoisonnement par l'oxyde de carbone.
On apprit bientôt, de la bouche même de Mme Zola, quelques particularités sur la nuit au cours de laquelle s'était produite la catastrophe. Zola, se sentant indisposé, sous l'oppression de l'asphyxie, s'était levé vers trois heures du matin, cherchant de l'air, voulant probablement ouvrir la fenêtre. Il était déjà étourdi par les gaz délétères. Il a dû glisser, vacillant, sans forces, puis il est tombé sur le tapis, au pied du lit.
L'oxyde de carbone était accumulé dans les parties basses de la pièce.
Zola ne put se relever, sa femme, restée sur le lit, au-dessus de la couche d'air vicié, a échappé à l'asphyxie totale.
Dans le premier moment de la stupeur générale, on crut à un drame intime, à un suicide. Il pouvait s'être produit des querelles domestiques, ayant exaspéré ou désespéré les deux époux. Peut-être avaient-ils pris, disait-on, la sinistre résolution de périr ensemble ? D'autres prétendaient que Zola était découragé, annihilé par les batailles subies, et par les suites, désastreuses pour lui, de l'affaire Dreyfus.
Enfin, on insinuait qu'il était inquiet pour l'avenir, qu'il voyait diminuer la vente de ses ouvrages, et qu'il se trouvait sur le point de connaître la gêne. Il était dans la nécessité de restreindre son train de vie, de chercher de nouveaux travaux productifs, et le dégoût d'une existence tiraillée et amoindrie l'aurait poussé à envisager, comme une délivrance, la mort volontaire.
Aucune de ces hypothèses ne se trouva vérifiée. Le rapport du commissaire de police Cornette avait donné quelque créance aux bruits de suicide : ce magistrat, mal renseigné, en procédant aux premières constatations, avait dit, dans son procès-verbal :
Il n'y a pas de calorifère allumé, pas d'odeur de gaz. On croit à un empoisonnement accidentel par médicaments. Deux petits chiens, qui étaient dans la chambre, ne sont pas morts.
L'enquête médico-légale et l'autopsie firent tomber ces suppositions, et la mort d'Émile Zola fut reconnue purement accidentelle, due à des émanations d'oxyde de carbone provenant, par suite de vices de construction, de la cheminée, où, dans la journée, pour combattre l'humidité de la chambre, le domestique avait fait du feu avec des «boulets». La combustion lente de ces boulets sous la cendre a dû dégager, dans une cheminée en mauvais état, des gaz qui se sont accumulés et répandus par la chambre, la nuit venue, les fenêtres, comme les portes, étant closes.
La mort absurde ayant fait son oeuvre détestable, l'enquête close, les suppositions malveillantes arrêtées, on s'occupa des obsèques du grand écrivain. Elles furent civiles, imposantes et sans qu'aucun incident les troublât. Une compagnie du 28e de
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