Emile Zola
abandonnés du village, et si maternelle pour le petit Paul, l'enfant de l'adoption.
De cette maison de l'enfance, de cet asile ouvert à la faiblesse et à la misère puériles, plus tard, au visiteur respectueux et charmé, comme un salut de bienvenue, comme un hymne de reconnaissance, s'adressera ce chœur de voix aiguës et joyeuses, récitant ce passage d'une des visions heureuses de Travail :
C'était un charme exquis, ces maisons de la toute petite enfance, avec leurs murs blancs, leurs berceaux blancs, leur petit peuple blanc, toute cette blancheur si gaie dans le plein soleil, dont les rayons entraient par les hautes fenêtres. Là aussi l'eau ruisselait, on en sentait la fraîcheur cristalline, on en entendait le murmure, comme si des ruisseaux clairs entretenaient partout l'exclusive propreté qui éclatait dans les plus modestes ustensiles. Cela sentait bon la candeur et la santé. Si des cris parfois sortaient des berceaux, on n'entendait le plus souvent que le joli babil, les rires argentins des enfants marchant déjà, emplissant les salles de leurs continuelles envolées. Des jouets, autre petit peuple muet, vivaient partout leur vie naïve et comique, des poupées, des pantins, des chevaux de bois, des voitures. Et ils étaient la propriété de tous, des garçons comme des filles, confondus les uns avec les autres en une même famille, poussant ensemble dès les premiers langes, en sœurs et frères, en maris et en femmes, qui devaient, jusqu'à la tombe, mener côte à côte une existence commune.
Ce rêve paradisiaque, aux détails et à l'ordonnance consignés comme dans les clauses d'un testament, en cette radieuse page de Travail, la veuve du visionnaire humanitaire, revivant les deux personnages bienfaisants et sacrifiés du livre, Suzanne et Soeurette, a su le réaliser.
Il n'était point de façon plus touchante de porter le deuil éclatant de son glorieux mari, et Zola ne pouvait souhaiter un emploi, plus conforme à ses désirs et à son coeur, de son héritage. Cette demeure de Médan, obtenue par le travail, est retournée, comme par une légitime et naturelle dévolution, aux enfants déshérités du travail.
Mais, en 1870, Médan n'était encore qu'un espoir, et Zola logeait et travaillait dans un modeste appartement batignollais.
Au cours de ces années d'apprentissage littéraire et de labeur pour le pain quotidien, un événement important s'était produit dans la vie chaste et retirée de Zola. J'ai dit combien il vivait à l'écart, en «ours», ne fréquentant ni les bureaux de rédaction, ni les cafés de gens de lettres.
On ne le voyait jamais dans les journaux où il écrivait. Au café de Madrid, qui fut un centre important d'agitation littéraire et politique, aux dernières années de l'empire, il était inconnu. Au café Caron, au café de l'Europe, à la brasserie Serpente, au café Tabouret, chez Glaser, au Procope, où se retrouvaient étudiants, professeurs, publicistes, philosophes, tribuns, poètes, correspondants de feuilles étrangères et proscrits cosmopolites, on ne l'entendait pas discutant, exposant théories et systèmes, dont, pourtant, il était amplement pourvu, réformant la société, renversant le gouvernement ou bouleversant les vieux dogmes et les littératures surannées, parmi les feutres des bocks empilés. J'ai dit qu'on ne l'aperçut ni dans l'arrière-boutique d'Alphonse Lemerre, ni chez la marquise de Ricard, pas plus que chez Nina de Callias, où les Parnassiens récitaient leurs premiers vers, commençaient la conquête du public, dirigeaient leur marche vers l'Académie, vers la gloire.
Il avait cessé de se rendre aux lundis de Paul Meurice. Son petit cénacle de condisciples provençaux, et de quelques peintres impressionnistes, voilà toutes ses relations. Il vivait donc très seul. Ce fut alors qu'il se maria. Il épousa Mlle Alexandrine Meley.
Voici l'acte de mariage d'Émile Zola :
L'an mil huit cent soixante-dix, le mardi trente-un mai, à dix heures du matin, par devant nous, Vincent Blanché de Pauniat, adjoint au maire du dix-septième arrondissement de Paris, officier de l'État-civil délégué, ont comparu publiquement en cette mairie :
Émile-Édouard-Charles-Antoine Zola, homme de lettres, âgé de trente ans, né le deux avril mil huit cent quarante, à Paris, demeurant rue Lacondamine, 14, avec sa mère, fils majeur de François-Antoine-Joseph Marie Zola, décédé à Marseille
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