Emile Zola
toutefois, ses aptitudes théâtrales et ses chances de réussite :
Il y a, au théâtre, un élément essentiel dont il faut toujours tenir compte, disait-il à un journaliste l'interviewant à la veille de la représentation du Ventre de Paris, au Théâtre de Paris (ancien Théâtre des Nations, puis Théâtre Sarah-Bernhardt) : c'est le succès.
On n'est pas un bon auteur dramatique si l'on n'a pas de succès.
Pour l'obtenir, il faut de la persévérance, il faut accommoder son tempérament et son talent à certains goûts du public. J'admets très bien qu'on fasse une première pièce, et même une seconde, qui ne réussiront pas, mais on ne peut en écrire de mauvaises toute sa vie.
Je suis condamné à écrire des romans pendant cinq ou six années encore. Je dois terminer une série de vingt volumes sur les Rougon-Macquart. Mais le roman ne m'intéresse plus autant, aujourd'hui. Il me semble que j'ai été jusqu'au bout du plaisir que ce travail pouvait me procurer. Aussi, ma série terminée, si j'ai encore assez de jeunesse et d'énergie, je me mettrai au théâtre, qui m'attire beaucoup. Je crois qu'il y a là une foule d'expériences curieuses à tenter, des milieux inexplorés à mettre à la scène, une conception plus large de la vie à développer que celle que l'on trouve chez nos auteurs contemporains, d'autres passions à étudier que l'éternel adultère.
Zola avait raison. Le théâtre moderne aurait tout à gagner à sortir un peu des alcôves, et à intéresser la foule à autre chose qu'à la banale aventure sexuelle. Or, l'auteur de Thérèse Raquin, dont le point de départ était, d'ailleurs, un adultère, mais fortement rehaussé par le crime, et surtout par le châtiment de la conscience, l'oeil de Caïn, n'eut ni le temps, ni l'occasion, ni sans doute aussi la force, de tenter cette rénovation. Nous attendons encore le Messie dramatique qui viendra bouleverser magnifiquement la scène, et changer en câbles neufs les ficelles usées, rajeunissant les vieilles conventions et les situations caduques.
S'il n'a pu faire seul une bonne pièce, plaisant à la foule et intéressant les lettrés, ce qui est le double event à tenter, Zola a, du moins, formulé de curieuses et souvent justes théories sur le théâtre.
Le Naturalisme au théâtre et Nos Auteurs dramatiques sont deux volumes, composés principalement d'articles de critique parus dans le Bien Public, et le Voltaire, arrangés, corrigés, recousus bout à bout, qui contiennent, à côté de vantardises et de prophéties, par trop mirobolantes, sur le théâtre naturaliste et son avenir, des jugements justes et des opinions fort sages.
En ce qui concerne son collaborateur Busnach, mort en 1907, auquel il rendait un hommage mérité, Zola disait à un confrère le questionnant :
Je ne prends pas la responsabilité littéraire des pièces que M. Busnach a tirées de mes romans. Je reste dans la coulisse et je suis l'expérience avec curiosité. Dans ces pièces, en vertu de mon principe que le succès est un élément essentiel, au théâtre, de grandes concessions sont faites aux habitudes et au goût du public.
Nous brisons la logique des personnages du roman pour ne pas inquiéter les spectateurs. On introduit des éléments inférieurs de comique et des complications dramatiques. Enfin, on développe une mise en scène pompeuse pour fournir un beau spectacle à la curiosité de la foule.
Cependant, ces drames contiennent l'application de quelques-unes des idées nouvelles que je défends. M. Sarcey, qui a recherché toutes les occasions d'attaquer l'Assommoir, était obligé de reconnaître que la représentation des drames tirés de mes romans avait porté un coup funeste à l'ancien mélodrame, qui ne pouvait plus s'en relever.
Et Zola, à plusieurs reprises, revenant sur cette opinion du critique du Temps, redisait :
Malgré l'introduction d'éléments inférieurs, il faut avouer, comme l'a reconnu Francisque Sarcey, que les drames tirés de mes romans contiennent plus de vérité humaine, d'une part, et aussi plus de pittoresque et de modernité dans les tableaux mis en scène.
Il y eut des polémiques intéressantes et amusantes entre Sarcey et Zola.
Celui-ci reprochait notamment au critique du Temps de ne pas être «documenté» et de commettre des bévues et des anachronismes dans ses appréciations. Sarcey opposait à Zola les bourdes qui lui avaient échappé,
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