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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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dans les bois, à la tombée du jour ; il évoquait les solennelles liturgies du temps de saint Benoît, il voyait la moelle blanche des chants monastiques monter sous l'écorce à peine taillée des sons ! Il parvenait à s'emballer, se criait : tu as rêvé pendant des années, sur les cloîtres, réjouis-toi car tu vas enfin les connaître ! Et il eût voulu partir aussitôt, y habiter et, brusquement, d'un coup, il dégringolait dans la réalité et se disait : c'est facile de désirer vivre dans un monastère, de raconter à Dieu qu'on voudrait bien s'y abriter, quand l'existence de Paris vous pèse, mais lorsqu'il s'agit d'y émigrer pour tout de bon, c'est autre chose !
    Il se ruminait ces pensées, partout, dans la rue, chez lui, dans les chapelles. Il faisait la navette d'une église à l'autre, espérant soulager ses transes, en les changeant de place, mais elles persistaient, lui rendaient tous les endroits insupportables.
    Puis c'était toujours, dans les lieux consacrés, cette siccité d'âme, ce ressort cassé des élans, ce silence qui se faisait soudain en lui, alors qu'il eût voulu se consoler en lui parlant. Ses meilleurs moments, ses haltes dans ce boulevari, c'étaient certaines minutes de torpeur absolue ; il avait alors comme de la neige dans l'âme ; il n'y entendait plus rien.
    Mais cet assoupissement de pensées ne durait guère, et la bourrasque soufflait à nouveau et les prières qui eussent pu l'apaiser se refusaient encore à sortir ; il sollicitait la musique religieuse, les proses désolées des psaumes, les crucifixions des primitifs pour s'exciter, mais les oraisons couraient, en se brouillant sur ses lèvres ; elles se dépouillaient de tout sens, devenaient des mots désemplis, des coques vides.
    A Notre-Dame-des-Victoires où il se traînait dans l'espérance qu'il se dégèlerait au feu des prières voisines, il se dégourdissait, en effet, un peu ; il lui semblait alors qu'il se lézardait, fuyait goutte à goutte en des douleurs informulées qui se résumaient dans une plainte d'enfant malade où il disait tout bas à la Vierge : ce que j'ai mal à l'âme !
    Puis, de là, il retournait à Saint-Séverin, s'installait sous cette voûte tannée par la patine des prières, et, hanté par son idée fixe, il se plaidait les circonstances atténuantes, s'exagérait les austérités de la Trappe, tâchait presque d'exaspérer sa peur pour excuser, dans un vague appel à la Madone, ses défaillances.
    Il faut pourtant que j'aille voir l'abbé Gévresin, murmurait-il, mais le courage lui manquait pour aller prononcer ce "oui" que lui demanderait sûrement le prêtre. Il finit par découvrir un joint pour le visiter, sans se croire obligé à s'engager encore.
    Après tout, pensa-t-il, je ne possède aucun renseignement précis sur cette Trappe ; je ne sais même pas s'il ne serait point nécessaire, pour s'y rendre, de faire un voyage coûteux et long ; l'abbé raconte bien qu'elle n'est pas éloignée de Paris, mais enfin je ne puis, sur cette simple affirmation, me décider ; il serait bien utile aussi de connaître les moeurs de ces cénobites, avant que d'aller séjourner chez eux.
    L'abbé sourit quand Durtal lui soumit ces objections.
    - Le voyage est bref, répondit-il ; vous prenez à la gare du Nord, à 8 heures du matin, un billet pour Saint-Landry ; le train vous y dépose à 11 heures trois quarts, vous déjeunez dans une auberge près de la gare ; là, tandis que vous buvez votre café, on vous prépare une voiture et, après quatre heures de galop, vous arrivez à Notre-Dame de l'Atre pour dîner ; est-ce difficile ?
    Quant au prix, il est modique. Autant que je puis me le rappeler, le chemin de fer coûte une quinzaine de francs ; ajoutez deux ou trois francs pour le repas et six ou sept francs pour la voiture…
    Et Durtal se taisant, l'abbé reprit : - eh bien ?
    - Ah ! tout ça, tout ça… , si vous saviez… - je suis dans un état à faire pitié ; je veux et je ne veux pas ; je voudrais gagner du temps, retarder l'heure du départ.
    Et il continua : - J'ai l'âme détraquée ; dès que je veux prier, mes sens s'épandent au dehors, je ne puis me recueillir et, du reste, si je parviens à me rassembler, cinq minutes ne s'écoulent point que je me désagrège ; non, je n'ai ni ferveur, ni contrition véritables ; je ne l'aime pas assez, là, s'il faut vous le dire.
    Enfin, depuis deux jours, une affreuse certitude s'est implantée en

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