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Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Titel: Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dee Brown
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Manuelito et son allié Barboncito constituèrent une armée de plus de mille hommes. Le 30 avril, à la faveur de la pénombre, ils encerclèrent Fort Defiance. Résolus à effacer toute trace de la présence du fort sur leur terre, ils donnèrent l’assaut sur trois côtés deux heures avant l’aube.
    L’attaque faillit bien être un succès. Faisant feu de leurs quelques vieilles pétoires espagnoles, les Navajos forcèrent les sentinelles à reculer et s’emparèrent de plusieurs bâtiments. Pris au dépourvu, les soldats sortis de leurs chambrées furent accueillis par une pluie de flèches. Mais après quelques minutes de confusion, ils formèrent les rangs et ne tardèrent pas à répondre par des tirs nourris. Au petit jour, les Navajos, certains de leur avoir donné une bonne leçon, regagnèrent les collines.
    Pour l’armée américaine, l’attaque était un défi lancé au drapeau qui flottait au-dessus de Fort Defiance, en d’autres termes une déclaration de guerre. Quelques semaines plus tard, le colonel Edward Richard Sprigg Canby, à la tête de six compagnies de cavalerie et neuf d’infanterie, entreprit de passer au peigne fin la chaîne des Chuska Mountains pour débusquer les guerriers de Manuelito. Il parcourut ce paysage de roches rouges jusqu’à ce que ses troupes soient quasiment mortes de soif et leurs montures au bord de l’épuisement. Ses soldats ne virent pratiquement aucun Navajo. Pourtant, les Indiens étaient bien là, à harceler les flancs de la colonne sans jamais l’attaquer fron-talement. Ce petit jeu dura jusqu’à la fin de l’année, puis les deux adversaires se lassèrent. Les soldats se trouvaient dans l’incapacité de punir les Indiens, qui eux-mêmes n’avaient plus le temps de s’occuper de leurs récoltes et de leur bétail.
    En janvier 1861, Manuelito, Barboncito, Herrero Grande, Delgadido ainsi que d’autres chefs ricos acceptèrent de rencontrer le colonel Canby au nouveau fort que les soldats construisaient à trente-cinq kilomètres au sud-ouest de Fort Defiance, et qui avait été baptisé Fort Fauntleroy en l’honneur d’un de leurs chefs. À l’issue des pourparlers avec Canby le 21 février 1861, les Navajos se choisirent comme grand chef Herrero Grande. Les dignitaires des deux parties s’accordèrent à dire qu’il valait mieux vivre en paix. Herrero Grande promit de chasser tous les ladrones de la tribu. Même s’il doutait que cette promesse puisse être tenue, Manuelito apposa sa signature au bas du document que lui soumettait Canby. Il avait retrouvé son bétail et sa prospérité, et croyait aux vertus de la paix et de l’honnêteté.
    Après cette rencontre à Fort Fauntleroy, la paix régna, l’espace de quelques mois, entre les soldats et les Navajos. Ceux-ci eurent vent d’une rumeur selon laquelle une grande guerre se déroulait tout là-bas vers l’est, une guerre entre les Américains du Nord et du Sud. Ils apprirent que certains des soldats de Canby avaient échangé leur uniforme bleu contre un gris et étaient partis se battre contre les Tuniques Bleues. Parmi eux, Chef-Aigle, le colonel Thomas Fauntleroy. Inutile de dire que le fort qui portait son nom fut rapidement rebaptisé.
    En ces temps d’amitié avec les soldats, les Navajos se rendirent souvent à Fort Wingate (ex-Fort Fauntleroy) pour faire du troc et retirer les rations que leur distribuait l’agent des Affaires indiennes. En général, on leur y réservait un bon accueil et l’habitude s’installa d’organiser des courses de chevaux entre Indiens et soldats. Pour les Navajos, ces rencontres constituaient un événement, et le jour de la course, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants vêtus de leurs habits les plus colorés et montés sur leurs plus beaux mustangs affluaient vers le fort. Le mois de septembre arriva. Par une belle matinée fraîche et ensoleillée, on se rassembla pour les courses prévues au programme. La principale devait avoir lieu à midi et opposer Pistol Bullet (c’était ainsi que les soldats appelaient Manuelito) sur son mustang navajo et un lieutenant qui montait un quarterhorse (6) . De nombreux paris avaient été pris – les gens avaient misé de l’argent, des couvertures, du bétail, des perles, bref tout ce qu’il était possible de mettre en jeu. Les chevaux des deux concurrents prirent le départ en même temps, mais dès les premières secondes de la course, il devint clair que Pistol Bullet,

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