Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

l’élevage et au tissage. D’autres Navajos continuaient de vivre en nomades et de lancer des raids contre leurs vieux ennemis les Pueblos et contre les colons blancs, s’en prenant même parfois à des membres prospères de leur propre tribu. Manuelito, un éleveur robuste et moustachu, avait été élu chef de la tribu en 1855. En 1859, lorsqu’un petit groupe de Navajos indisciplinés attaquèrent des citoyens américains sur leur territoire, l’armée, au lieu de traquer les coupables, répliqua en détruisant les hogans (5) et en abattant tout le bétail appartenant à Manuelito et aux membres de sa bande. C’est pourquoi en 1860, avec ses partisans, celui-ci livrait une guerre non déclarée contre les États-Unis au Nouveau-Mexique et en Arizona.
    Le territoire des Utes, une tribu des montagnes, se situait dans les Rocheuses au nord de ceux des Apaches et des Navajos. Les Utes lançaient fréquemment des raids contre leurs paisibles voisins du Sud. Ouray, leur chef le plus connu, était partisan de la paix avec les Blancs, allant jusqu’à combattre, lui et ses guerriers, en tant que mercenaires à leurs côtés contre d’autres tribus indiennes.
    Dans les régions les plus à l’ouest, la plupart des tribus étaient trop petites, trop divisées ou trop faibles pour vraiment résister. Les Modocs, un groupe comprenant moins de mille membres et occupant un territoire à cheval sur le nord de la Californie et le sud de l’Oregon, défendaient leurs terres sur le mode de la guérilla. Kintpuash, que les colons californiens appelaient Captain Jack, n’était encore qu’un tout jeune homme en 1860. Les épreuves qu’il traverserait en tant que chef ne viendraient que dix ans plus tard.
    Au nord-ouest des terres modocs vivaient les Nez-Percés, en paix avec les Blancs depuis que Lewis et Clark avaient traversé leur territoire en 1805. En 1855, l’un des sous-groupes de la tribu céda des terres aux États-Unis et accepta de vivre sur une grande réserve, tandis que d’autres bandes de Nez-Percés continuaient de nomadiser entre les chaînes des Blue Mountains de l’Oregon et des Bitterroots de l’Idaho. La tribu était persuadée qu’il y avait suffisamment d’espace dans le Nord-Ouest pour que Blancs et Indiens utilisent les terres à leur convenance. Mais en 1877, Heinmot Tooyalaket, qui se ferait connaître plus tard sous le nom de Chef Joseph, serait amené à prendre une décision fatale, celle de choisir entre la guerre et la paix. Pour l’heure, il avait vingt ans et le chef, c’était son père.
    Enfin, sur les terres paiutes, dans le Nevada, vivait un futur messie de quatre ans du nom de Wovoka qui allait exercer une influence brève, mais puissante, sur les Indiens de l’Ouest.
    Au cours des trente ans qui suivirent, ces chefs, mais d’autres aussi, seraient appelés à entrer dans l’Histoire – et dans la légende. Leurs noms deviendraient aussi connus que ceux des hommes qui voulaient les anéantir. Un grand nombre d’entre eux, jeunes ou vieux, tomberaient longtemps avant l’événement qui devait symboliser la fin des Indiens libres – Wounded Knee (décembre 1890). Un siècle plus tard, dans notre époque sans héros, ce sont peut-être eux les plus héroïques des Américains.

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La longue marche des Navajos
    1860 : Le 12 mars, le Congrès américain vote la Pre-emption Bill, qui permet l’octroi aux colons de parcelles dans les territoires de l’Ouest. Le 13 avril, arrivée à Sacramento (Californie) du premier messager du Pony Express, parti le 3 avril de Saint Joseph (Missouri) avec des sacoches de courrier. Le 23 avril à Charleston (Caroline du Sud), les membres du parti démocrate se divisent sur la question de l’esclavage. Lors de sa convention nationale (16-18 mai), le parti républicain choisit comme candidat à l’élection présidentielle Abraham Lincoln. En juin, la population des États-Unis atteint le chiffre de 31 443 321. En juillet, invention de la carabine à répétition. Le 6 novembre, victoire d’Abraham Lincoln aux élections présidentielles, avec seulement 40 pour cent du vote populaire. Le 20 décembre, la Caroline du Sud fait sécession.
    1861 : Le 4 février, constitution du Congrès confédéré à Montgomery (Alabama). Le 9, Jefferson Davis est élu président des États confédérés. Le 11, Lincoln dit adieu à ses amis et voisins de Springfield (Illinois) et prend le train pour Washington. En mars, le président Davis