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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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de la grosseur d’un oeuf, contenant le saint chrême solidifié par le temps et dont, malgré les prélèvements qu’on en avait fait au cours des siècles, le niveau n’avait pas baissé.
    Le grand prieur fit prêter serment sur les Évangiles aux quatre barons de la sainte ampoule de veiller sur cet objet sacré et de le restituer à l’abbaye dans les meilleurs délais. Il attacha à son cou le reliquaire, monta sur la belle haquenée à robe blanche que le dauphin lui destinait et, abrité par un dais, suivit les quatre barons jusqu’à la cathédrale.
     
    La carence observée pour les regalia se retrouva avec une acuité accrue lorsque l’on fit le compte des pairs qui devaient assister le dauphin lors de la cérémonie. Déception brutale : aucun des six laïques n’avait répondu à l’appel et trois seulement des six religieux étaient présents. Il fallut chercher dans l’entourage du dauphin afin de compléter cette représentation. En l’absence d’Arthur de Richemont, l’épée de connétable serait tenue par Charles d’Albret, parent du dauphin et ancien connétable lui-même.
    Lorsque la Pucelle se présenta, entourée de son écuyer et de son page, tout était en place. Il était neuf heures et la ville bourdonnait, boutiques closes et façades pavoisées.
    Elle avait, comme le dauphin, passé la nuit en prière, entre les frères Richard et Pasquerel qui se relayaient pour lire à haute voix des passages du Livre. Lorsque le premier rayon de soleil avait touché la façade de l’hôtel archi-épiscopal, elle était seule éveillée, incapable qu’elle avait été de fermer l’oeil, répétant sans relâche les oraisons nocturnes.
    Penchée à la fenêtre, dans la première fraîcheur de l’aube, elle avait regardé des groupes affairés traverser la place, des chariots livrer à la basilique les chargements de planches destinés aux tribunes qui seraient dressées de part et d’autre de la nef. Le sentiment d’irréalité dû à sa longue veille lui embuait l’esprit. Elle avait l’impression d’avoir touché au stade terminal de sa vie et d’être rejetée, de par la réussite même de sa mission, dans une inactivité dont elle se demandait si elle pourrait la supporter. Comment Charles, devenu l’oint du Seigneur, allait-il se comporter avec elle ? Elle ne se faisait guère d’illusions sur la gratitude des humains, et du dauphin en particulier. Mal entouré, mal conseillé qu’il était, n’allait-il pas lui demander de se faire oublier et de retourner à Domrémy ? Les miracles, les exploits guerriers n’étaient plus nécessaires à la reconnaissance de sa légitimité ; les batailles qu’il aurait encore sans doute à livrer ne requerraient pas la présence d’une thaumaturge.
     
    Salves de bombardes, sonneries de trompettes, volées de cloches saluèrent l’arrivée du dauphin. Escorté des pairs laïques et religieux, il s’engagea dans l’allée centrale, entre des bas-côtés envahis par une foule silencieuse de notables et de clercs. Un roi d’armes ayant effectué l’appel des douze pairs, ils prirent place de part et d’autre de l’autel, tandis que la manécanterie de Gilles, mêlant sa voix à celles des choristes du chapitre, tous vêtus de tuniques blanches marquées du lys de France, entonnaient des cantiques en plain-chant et en faux-bourdon.
    Pour satisfaire au protocole improvisé, Jeanne prit place à la droite de l’autel, entre Jean d’Aulon et Louis de Coutes, ce dernier tenant la bannière de la Pucelle. Elle était vêtue, sous la huque immaculée qui lui descendait aux talons, du harnais de plates que son écuyer avait fait resplendir en le frottant de cendres mais qui portait, visibles encore, les traces des combats. Elle avait prévu de coiffer son casque ; le frère Pasquerel le lui déconseilla : cela eût risqué de faire trop guerrier. Elle avait tenu néanmoins à garder l’épée de Fierbois à sa ceinture.
    Prosterné à quelques pas, Charles avait piètre apparence. Les tremblements qui l’agitaient par sursauts semblaient moins dus à la fraîcheur du sanctuaire qu’à l’émotion qui l’étreignait. Dépouillé de ses vêtements, il n’était vêtu que de la chemise du sacre, en toile de lin blanc, aux fentes bordées de galons d’or, que les dames de la bourgeoisie avaient réalisée durant la nuit. Il ressemblait à un merle déplumé. En d’autres circonstances, il aurait prêté à rire.
    Charles affermit sa

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