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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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grande salle. Le message fut souligné bientôt par une voix autoritaire :
    —    Mesdemoiselles, debout, il est cinq heures quarante !
    Lentement, des formes commencèrent à bouger, une trentaine
    en tout, dans autant de lits étroits. Près du mur tout au fond du dortoir, à l'endroit le plus froid, Elisabeth commença par resserrer la couverture contre son cou. Tout son corps se trouvait recroquevillé en position fœtale, dans l'espoir un peu illusoire d'emprisonner la chaleur.
    Autour d'elle, les bruits légers de pieds nus sur les madriers de pin, de mains agiles tirant les draps des lits, n'arrivaient pas à couvrir quelques murmures étouffés.
    —    Silence, Mesdemoiselles, et dépêchons, ordonna de nouveau la voix devenue impatiente.
    Impossible d'attendre plus longtemps. D'un mouvement, Elisabeth sauta du lit, replaça ses couvertures en essayant d'oublier le plancher glacial. A tâtons dans l'obscurité, elle chercha sa robe dans une petite armoire, passa son uniforme en vitesse puis entreprit d'attacher la multitude de petits boutons. Un instant lui suffit pour enfiler bas et chaussures. Comme ses compagnes, après s'être agenouillée au bout de son lit, elle s'absorba dans ses prières pendant un petit moment.
    Ensuite, la dernière du petit peloton de couventines, la jeune fille se dirigea vers les lavabos situés dans la pièce attenante. Chacune versa l'eau d'un broc dans un plat de faïence, puis entreprit de se débarbouiller la figure à l'aide d'une pièce de toile rugueuse. L'opération permettait de faire disparaître des visages les dernières traces de sommeil. Quelques coups de brosse dans les cheveux complétaient cette toilette sommaire.
    Certaines infortunées devaient courir vers les latrines, dans la cour, afin de se soulager. La plupart préféraient serrer les dents et les cuisses, et se retenir jusqu'après la messe. A six heures, vingt minutes après s'être extirpées du lit, les élèves affichaient la mine la plus recueillie, se préparant à recevoir la communion. L'âme recevait sa nourriture avant le corps.
    A sept heures, alors que la voix grêle d'une postulante progressait avec difficulté dans une lecture pieuse, Elisabeth plongea sa cuillère dans un bol de gruau un peu figé. La personne assise en face d'elle à la longue table, une brune un peu malingre dont un œil semblait vouloir fuir l'autre, murmura, d'une voix à peine audible :
    — Dis donc, si tu ne changes pas bientôt de robe, elle va éclater !
    Un fou rire étouffé se manifesta de part et d'autre de l'insolente. Il fut tout de suite réprimé par un «Silence, Mesdemoiselles» souligné par le claquement sec d'un signal de bois contre la surface d'une table.
    Elisabeth, rougissante, baissa les yeux sur sa poitrine. Deux demi-pommes à l'arrondi parfait faisaient béer un peu le devant de sa robe et le tissu tirait légèrement sur les boutons de corne.
    Même en mai, les longs couloirs demeuraient plutôt froids. Heureusement, la robe de laine bien fermée du cou jusqu'à mi-jambe, avec des manches allant aux poignets, offrait une protection suffisante. Toutefois, dans un instant il faudrait s'en défaire.
    Au moment où les élèves se livraient à des travaux manuels, chacune pouvait sacrifier quelques minutes à l'hygiène. Elisabeth Trudel se tenait debout, maintenant première de la file. Quand une jeune fille de seize ans à l'air d'un chat mouillé sortit de la petite salle, sa robe noire boutonnée de travers, sœur Saint-Jean de l'Eucharistie tendit à la suivante une serviette de toile rêche en disant:
    —    Vous avez cinq minutes... Et gardez votre chemise.
    —    Oui, Ma Mère.
    Une voix douce, soumise, trois mots murmurés, comme si le moindre éclat risquait de faire éclater ce monde clos. Parce qu'elle avait laissé ses souliers près de l'entrée, les madriers de pin du plancher se révélaient désagréablement froids. Un moment plus tard, elle détachait les boutons du cou à la taille, sortait ses bras des manches et faisait glisser le vêtement sur ses hanches plutôt étroites, soulevait les pieds l'un après l'autre, pour enfin le poser sur une chaise. Une culotte écrue, taillée dans un sac de farine par des religieuses attentives à la moindre économie, suivit le même chemin.
    Un instant plus tard, Elisabeth se tenait debout dans une cuve de tôle, de l'eau à peine tiède à mi-mollet, un gros morceau de savon du pays à la main, un carré de toile dans

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