Fidel Castro une vie
après son (ses) opérations(s), et qu’il a pris la plume pour lancer, à vive cadence, ses « réflexions ». Lorsqu’une gêne s’insinuait de la (légère) contradiction existant entre les propos de Fidel et les actions (alors encore très retenues) de Raúl, la réponse était que « le commandant a le droit de s’exprimer au même titre que tout citoyen ». Le suspense sur la capacité de retour du
Lider
n’aura duré que quelques mois, en 2007. On peut faire confiance à celui qui était le maître « provisoire » de Cuba, expert ès renseignements, pour s’être tenu informé de l’état de santé du
jefe
. Il devait bien savoir que le retour de son frère aux affaires était improbable. Mais, en homme prudent, et meilleur connaisseur au monde de la psychologie de Fidel (sachant, donc, qu’il ne réagit jamais si bien qu’à la provocation), Raúl n’a rien brusqué. Le 24 février 2008 seulement, après qu’a eu lieu la passation des pouvoirs d’État, de gouvernement et d’armée, s’est-il senti les coudées franches pour embouquer la passe des réformes.
Le « camarade Fidel Castro », désormais libéré des contraintes du pouvoir, allait-il produire des écrits embarrassants ? Il s’estplutôt orienté vers des retours arrière plus gênants pour lui-même que pour le nouveau chef de Cuba. Ainsi exprima-t-il une compassion inédite pour les violences subies par les juifs à travers l’histoire à l’occasion d’une mise en cause qu’il fit de l’obsession de détruire Israël de son pourtant allié l’Iranien Ahmadinejad. Et encore, exprimant l’une de ses obsessions récurrentes – la crainte d’un conflit nucléaire au Proche et au Moyen-Orient –, il admit, dans un souffle, qu’il n’était « pas correct du tout » qu’il ait poussé Khrouchtchev, lors de la crise des missiles d’octobre 1962, à lancer une attaque nucléaire préventive contre le territoire américain. Il qualifia également de « grande injustice » l’envoi, de 1965 à 1969, de milliers d’homosexuels dans des « camps de travail militaires agricole », les tristement fameux Umap.
Un autre
modus operandi
a finalement agréé au sérail : puisque le goût de ressasser le passé était devenu une passion de Fidel, pourquoi ne pas le canaliser vers la publication de mémoires ? Nul n’aurait pensé que cet exercice puisse être la tasse de thé d’un homme qui, au long de sa vie, a beaucoup agi et discouru mais, qu’on sache, peu écrit. Lorsque, en 2003, l’occasion s’est offerte à lui d’une biographie, c’est « à deux voix » qu’elle s’est construite – Ignacio Ramonet, directeur du
Monde diplomatique
, tenant la plume et le « commandant », le crachoir. Beaucoup y était dit, mais d’immenses pans n’étaient pas abordés.
Outre le propos de « tenir » occupé l’intenable malade, la publication de
Mémoires
ne manquait donc pas de justification. Un premier tome 2 couvre, pour l’essentiel, le détail de sa guérilla dans la Sierra Maestra d’avril 1957 au 8 janvier 1959. Le tome 2 3 a été présenté par Fidel lui-même au palais des congrès de La Havane le 4 février 2012. Si l’on comprend bien, il s’agit à nouveau de conversations, cette fois avec la journaliste cubaine Katiuska Blanco, collaboratrice de l’officiel
Granma
et du plus délié
Juventud Rebelde
. Et, fin 2012, il a été insinué à Cuba qu’il écrivait un livre avec… Hugo Chávez. Comme la mémoirede Castro est éléphantesque, si pas toujours véridique, cela permet d’augurer que l’ancien maître de l’île sera longtemps occupé si Dieu lui prête longue vie.
Que reste-t-il du castrisme ? Plus Fidel Castro en tout cas. Le commandant en chef n’est plus aux commandes, en effet. Il est plutôt devenu une statue du commandeur qui, par le poids que lui confère son prestigieux passé, a juste pu retarder de quelques mois les inflexions économiques dont son frère a admis qu’elles sont indispensables à son pays, vitales même. Mais il aura aussi, tout compte fait, « couvert » ce dernier d’une aura de « légitimité » dont il avait besoin pour asseoir un pouvoir (enfin…) au sommet.
Peut-on dire Fidel gâteux ? Diminué peut-être, obsessionnel sans doute, mais gâteux non – en tout cas pas au début de 2012. Le compte rendu que le père jésuite Federico Lombardi, directeur de Radio Vatican, a fait, le 28 mars 2012, de la rencontre entre l’ex-patron de Cuba et le pape
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