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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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Introduction

D E C UBA AU CŒUR DU MONDE
    Plutôt que des hommes de grand mérite, nous sommes des hommes à qui le hasard a donné des privilèges excessifs.
    Fidel Castro, 22 décembre 1975
    Fidel Castro aura occupé la chronique mondiale près d’un demi-siècle.
    De 1959 à 2006, il a exercé sur son pays un pouvoir presque total comme « commandant en chef de la Révolution » cubaine. Il a battu des records planétaires de durée aux affaires. En tant que chef de gouvernement (1959-2006), c’est incontestable. Comme chef d’État, ses quasi-contemporains Elizabeth II d’Angleterre, le dalaï-lama, le roi Bumiphol de Thaïlande ont accédé avant lui à la première marche et exerçaient encore lorsqu’il a quitté la scène – mais il s’agit d’autres types de pouvoir. Le temps qu’il a passé sur le pavois n’approche tout de même pas la durée des règnes « imbattables » de Louis XIV, de François-Joseph ou de Victoria. Mais il se compare à celui de l’empereur Auguste ; et nul pontificat, pas même celui de Pie IX, ne l’égale !
    C’est dès 1945 que, après son éducation chez les jésuites, Castro s’est lancé dans la vie publique de Cuba, tentant de conquérir l’université par l’élection tant qu’il l’a cru possible puis, déjà, les armes à la main. Il s’est fait connaître de l’opinion insulaire en tentant, le 26 juillet 1953, un coup de main contre la caserne Moncada de Santiago – un des points d’appui du dictateur Fulgencio Batista qu’il s’était juré de renverser. Le 26 juillet est aujourd’hui encore la fête nationale de la Révolution castriste.
    Après deux années de prison et un exil d’un peu plus d’un an au Mexique, Fidel Castro a débarqué dans l’Oriente de Cubaavec quatre-vingts compagnons, dont son jeune frère Raúl et le médecin argentin Ernesto Guevara, dit le « Che ». Il a mené, dans la Sierra Maestra, une courte guérilla (2 décembre 1956-1 er janvier 1959), qui a fini par contraindre son prédécesseur à s’enfuir. Or, la notoriété de celui que, dans son île, on ne nommait déjà plus que « Fidel » ou le «
comandante
» avait depuis longtemps atteint les États-Unis, à l’occasion d’une interview dans le
New York Times
, le 24 février 1957 : Fidel Castro y était « Robin des bois ».
    La fuite du dictateur Batista et la victoire de la guérilla castriste, ainsi que le soulèvement civique de beaucoup de Cubains des villes, ont livré l’île au commandant en chef. Sa carrière a commencé sous les vivats de ses compatriotes et de la partie la plus vibrante de la jeunesse du monde. En moins de deux ans, pourtant – suivant en cela, d’instinct ou d’après ses lectures, un conseil que Machiavel donne au prince : exécuter l’ennemi à la vitesse de l’éclair –, il ne restait plus grand-chose de l’ancienne Cuba.
    L’Europe faisait ses premiers pas en tant que Communauté. L’Afrique n’était pas encore entièrement décolonisée. Le général de Gaulle retrouvait le pouvoir en France après douze ans de « traversée du désert ». Le « tiers-monde » n’était alors, pour beaucoup, qu’un ensemble de « pays neufs ». La conférence de Bandung avait eu lieu mais le « non-alignement » restait à inventer. Parce que Mao Zedong l’avait trop vite et brutalement « mise en communes », la Chine souffrait d’une horrible famine. Le « bon pape Jean » XXIII venait de remplacer l’austère Pie XII – prélude à un
aggiornamento
de l’Église par Vatican II. Et la rivalité entre États-Unis et Union soviétique prenait un tour aigre après le lancement du premier Spoutnik – avec le
missile gap
redouté par l’Amérique et la crise montante de Berlin.
    Quant à Cuba, qu’en savait-on ? Le havane, la
habanera,
les plages et les filles de petite vertu recherchées par les « Yankees » en goguette : rien. Les cercles cultivés connaissaient l’écrivain Alejo Carpentier, le peintre Wifredo Lam, le joueur d’échecs José Raúl Capablanca. Tout au plus certains savaient-ils que le boxeur Kid « Chocolate » ou « le roi du mambo » Pérez Prado y étaient nés ! Bref, un pays considéré comme insignifiant. Or, lorsque, terrassé par la maladie, Fidel Castro a dû – en deuxépisodes : 2006 puis 2008 – abandonner le pouvoir, qui pouvait encore ignorer Cuba ?
    Le
barbudo
avait promis de distribuer la terre, éduquer les analphabètes, soigner les malades, offrir un toit aux mal-logés des

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