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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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et ses vifs contrastes de situations. Fidel n’a jamais aimé parler de son père. Ce silence cache-t-il une sourde hostilité ? Aurait-il eu honte d’être le fils d’un nouveau riche à l’ascension douteuse ? Sur son enfance et son adolescence, il s’est un jour confié au dominicain brésilien
Frei
Betto, un des ecclésiastiques les plus « engagés » de l’Amérique latine. Le thème de l’entretien était sa foi religieuse. Ce sujet les a fait remonter aux origines. Fidel a, pour l’occasion, abondamment parlé de ses années de formation.
    Mais c’est d’abord un portrait de sa mère qui y surgit. Lina Ruz n’était certes dépourvue ni de personnalité ni d’un grand bon sens dérivé de ses origines rurales pauvres. Elle montrait à ses proches une affection bourrue. Devenue l’épouse d’Ángel Castro, les rigueurs de la vie l’avaient blindée tant contre les emballements que les faiblesses. Une photo prise peu après le triomphe de ses fils à La Havane, en 1959, la montre bien plantée,le visage rond demeuré assez juvénile, et les yeux pétillants derrière les lunettes légèrement teintées. Lina était créole, c’est-à-dire native de l’île. C’était une « fille de l’Ouest » : sa famille était installée dans cette région de Pinar del Rio où poussent les meilleurs tabacs à cigare du monde. Pour quelle raison, au début de ce siècle, le vieux Ruz a-t-il chargé sa femme, ses filles et un baluchon sur cette charrette qui était son outil de travail puisqu’il était transporteur de canne ? Le père de Lina avait sans doute été attiré par la rumeur industrieuse qui montait alors de l’Oriente.
    Pas plus qu’Ángel, Lina n’était allée à l’école. Plus tard, elle aussi apprendra, seule ou aidée par ses filles, à lire et à écrire : le minimum pour suivre dans un journal les aventures de ses fils ! À Birán, la jeune fille est remarquée par Ángel, chez qui elle a été, comme on dit, « placée ». Elle lui donnera quatre filles, Ángela, Agustina, Enma et Juana, puis trois garçons, Ramón, Fidel et Raúl. Raúl, le petit dernier, est né plus de quatre ans après son illustre aîné.
    Deux autres frère et sœur ont eu un petit rôle dans cette grande histoire. Juana est devenue célèbre à l’été 1964. Autorisée à quitter Cuba par Fidel qui ne supportait plus ses activités « contre-révolutionnaires », elle a donné à
Life
une tonitruante interview dans laquelle elle décrivait son célèbre frère comme un monstre assoiffé de pouvoir. L’intéressé se contenta de regretter que les « impérialistes n’aient pas vacillé dans leurs détestables tentatives pour soudoyer, corrompre et même prendre à leur service des parents proches ». Juana, installée à Miami comme tant de Cubains, a réitéré. Elle a, un jour, accusé son frère d’être devenu, par la corruption, « l’homme le plus riche d’Amérique latine ». Gérante, désormais d’une pharmacie-drugstore à l’angle de la 7 e Avenue et de la 5 e Rue de Miami, « Juanita » a encore fait parler d’elle en organisant une manifestation anticastriste à New York lors de la venue de son frère aux Nations unies en 1979. Avec l’âge, elle a quelque peu baissé le ton.
    Ramón, aîné de Fidel, a, quant à lui, été nommé directeur d’une ferme modèle non loin de La Havane. C’est là le compromis trouvé entre deux parents que tout sépare. Ce géant (il est encore plus grand que Fidel) avait été désigné par Ángel pour être son successeur à Manacas. Au moment de la réformeagraire de 1959, le gaillard a eu avec Fidel une explication orageuse. L’affaire était d’autant plus chaude que la « vieille Lina », la mère, s’en est mêlée. Elle avait promis, a assuré Guevara, que « s’il essayait de nationaliser ses terres, elle l’attendrait avec un fusil ». Fidel aurait dû pouvoir compter sur l’appui de Raúl, beaucoup plus radical que lui à l’époque, mais le puîné n’aimait pas faire de peine à sa mère, dont il était d’ailleurs le chouchou. La chose est devenue publique lorsque, le 25 novembre 1959, alors que se faisaient entendre les premiers opposants à Fidel, Ramón a écrit au journal
Prensa Libre
une lettre à tonalité antigouvernementale. Le nouveau maître de Cuba avait d’autres soucis. On a donc imaginé une formule pour après la mort de Lina survenue en 1963, et la transformation conséquente de Manacas en ferme expérimentale

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