Fidel Castro une vie
certaines circonstances ont poussé le père à régulariser la situation età épouser Lina, à l’église. Ainsi s’expliquerait le fait que Fidel, dont la mère était croyante, ne fut baptisé, de son propre aveu, qu’à l’âge de cinq ans : étonnant, dans ce qui était une « nation religieuse » (Fidel Castro
dixit
). Le premier état civil dudit pourrait donc avoir été Fidel Ruz. Enfant naturel ? Il n’a jamais démenti ni confirmé. D’ailleurs qui cela juge-t-il, à plus forte raison dans un pays latino-américain, où les unions « du mauvais côté du polochon » sont courantes ? Mais certains peuvent en être marqués, se sentir une revanche à prendre.
Dans un récent ouvrage (2005), l’universitaire et écrivain américain Brian Latell a formalisé ce que tous murmuraient dans l’île depuis des décennies : Fidel et Raúl n’ont pas « même père, même mère ». Comment le cadet, petit, imberbe, aux traits « chinois », serait-il frère-frère de ce géant barbu et aux traits indubitablement « caucasiens » qu’est Fidel ? Et comme ces deux-là ont la même mère, c’est qu’ils n’ont pas le même père ! Lina aurait donc, une fois au moins, trompé le maître Ángel. Les « castrologues » assurent tous que cette femme, pour dépendante qu’elle ait pu être, n’était pas du genre soumise. Les noms de deux hypothétiques pères biologiques de Raúl, Felipe Mirabal (dit « le Chinois ») et Narciso Campos, figurent dans le récent
Fidel & Raúl
, de Jacobo Machover (2011). L’un et l’autre étaient alors soldats de la garde rurale de Birán, la petite ville voisine de la ferme d’Ángel Castro. S’il leur fut beaucoup prêté par la rumeur de l’île, c’est notamment parce que leur fils putatif, devenu leur supérieur hiérarchique, les a, à un moment ou l’autre, tirés d’un mauvais pas. Il n’y a rien aujourd’hui qui choque exagérément dans l’éventuelle infidélité de Lina à son rude amant mais, à l’époque, c’était presque inimaginable. L’ambivalence des attitudes de Fidel et Raúl, pour ce qu’on en sait, croit savoir et parfois devine (indéfectible proximité sous la houlette du « grand », mais un réel quant-à-soi gardé par le « petit ») pourrait trouver là une explication.
Autre « détail » : Ángel Castro n’était pas cubain. Du moins, il n’était pas né dans l’île. Il était espagnol. Plus précisément de Galice, cette région où les hommes sont réputés avoir la tête aussi dure que le granit de leur sol natal. Pis : Ángel était arrivé dans la région à la fin du XIX e siècle, afin de… combattrel’indépendance de Cuba pour laquelle militaient les patriotes (ou
mambis
) comme José Martí. Quand arrive Ángel, la phase répressive de la guerre menée par Madrid contre les
mambis
est sur le point de s’achever. Mais le « désastre » reste à venir pour l’Espagne : l’entrée en guerre des États-Unis, en avril 1898 ; l’envoi par le fond, trois mois plus tard, devant Santiago de Cuba, de quatre navires par la flotte américaine ; enfin le traité de Paris, le 10 décembre, qui fait de l’île caraïbe un protectorat de Washington. Ángel rentre alors dans sa terre natale, séjournant quelques mois encore dans la misérable ferme où bêtes et gens vivent les uns sur les autres. Puis, après avoir embrassé une dernière fois ses parents, il revient à Cuba. Il devait y vivre les soixante années suivantes, et y mourir.
L’âge venant, Fidel a manifesté de l’intérêt pour ses racines espagnoles. Par son ambassade à Madrid, il a fait rechercher sa parentèle. À sa tante Juana, il a même fait parvenir de menus cadeaux. Carlos Rafael Rodríguez, un des grands du régime, a servi au moins une fois de coursier. Pour le cousin Salustio, le maître de Cuba a fait mieux : il l’a invité dans son île fin 1976. Le vieux cantonnier célibataire a été traité comme un prince. Lorsqu’il est reparti, Fidel lui a donné un peu d’argent pour retaper la maison natale d’Ángel. En 1992, à l’occasion du deuxième « sommet ibéro-américain », qui a eu lieu en Espagne, le
Lider
s’est rendu lui-même sur les lieux, s’attirant un succès de curiosité de la part de ses « compatriotes ».
La proverbiale obstination et le sens de l’épargne non moins légendaire des Galiciens des vertes collines du nord-ouest de l’Espagne ne suffisent pas à expliquer la réussite économique d’Ángel à
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