Fidel Castro une vie
s’opposer pacifiquement, ils allaient eux aussi sentir la dure poigne du castrisme.
Le reste est l’histoire d’un long déclin, justifié par le souci « fidéliste » de garder la pureté d’une Révolution toujours proclamée « socialiste », mais se confondant avec la prolongation indéfinie d’un pouvoir personnel puis familial. Sans le théoriser, depuis l’accession au commandement de Raúl en 2006-2008, le régime a fait de petits pas vers une « économie socialiste avec marché » – mais sous l’autorité maintenue de l’armée, du parti et du « frère leader ». À ce jour, l’économie cubaine n’est pas encore sortie du gouffre, et les citoyens sont très loin de ressentir les bénéfices des changements en cours : le salaire mensuel moyen est de 15 euros.
Fidel n’aura jamais obtenu de Washington une levée de l’embargo imposé en 1960 – ce dont il avait fait sa constante revendication. Car l’Amérique s’est donné pour loi de refuser toute modification de ses relations avec Cuba tant qu’un Castro y serait au pouvoir. Toutefois Fidel s’est flatté, en passant le relais, d’avoir
in fine
emporté la victoire contre celui qu’il avait d’emblée désigné comme « l’ennemi » : l’empire américain. Victoire ? Oui, car celui-ci avait échoué à l’abattre malgré « six cents » tentatives d’assassinats…
Aujourd’hui, un Castro règne donc encore sur Cuba : Raúl, que Fidel avait nommé, dès la victoire de sa
Revolución,
ministre des Armées. Une décision qui allait se révéler géniale car le frère a non seulement veillé sur l’état physique et moral des forces qui lui ont été confiées, mais il est aussi devenu le « patron » des redoutés services de Sécurité : « pas une feuille ne bouge dans l’île sans qu’il en soit informé », dit-on. Et une part des atteintes aux droits de l’homme attribuées à son frère par les opposants, telle la persécution des homosexuels de 1965 à 1969, a été le fait de Raúl. Pourtant, devenu plus pragmatique que son aîné, celui-ci est aussi crédité d’avoir contenu les lubies économiques dont a débordé l’esprit de Fidel.
L’ostracisme américain est maintenu à l’endroit du nouveau détenteur de tous les pouvoirs. Le million et demi d’exilés cubains demeure en majorité opposé à un changement de cap. Vu l’âge, quatre-vingt-deux ans en 2012, de celui que l’on nomme «
el general
», Washington a peu de motifs de faire bouger les lignes, bien que nombre d’industriels américains soient intéressés par ce marché à leurs portes. Même sans Fidel, le castrisme n’a donc pas écrit sa toute dernière page. Qui prophétiserait comment Cuba en sortira serait aventureux.
1
E NFANCE D’UN CHEF RÉVOLUTIONNAIRE
(
1926-1945
)
Croire que la conscience doit venir avant la lutte est une erreur.
Fidel Castro, 6 juillet 1966
Fidel Alejandro Castro Ruz est né le 13 août 1926. Croit-on, car, dans cette vie où les mystères abondent, il y a doute même sur la date de sa venue au monde. Son frère Raúl a assuré au journaliste Lionel Martín que Fidel était du 13 août 1927. Mais c’est la version officielle, désormais, qui a le plus de chances d’être la bonne. Castro est du Lion, le signe astrologique flamboyant. « Il ne veut jamais perdre » : cette citation n’est pas extraite d’un horoscope, mais de
Revolución
, jadis journal officiel du régime. Son prénom vient d’un certain Mark surnommé « Fidelis » (du latin
Fidèle
), né à Sigmarigen, dans le Bade, vers la fin du XVI e siècle ; d’abord avocat à Colmar, où il fut défenseur des pauvres, il devint capucin, d’une éloquence si enflammée que sa congrégation l’envoya combattre les protestants en Suisse… où il mourut poignardé. Il est peu douteux que ce prénom, rarissime, et bien sonnant dans toutes les langues romanes, aura été un élément de sa notoriété, voire de sa popularité. Une précision : en espagnol, « fidèle » se dit «
fiel
».
Que Fidel soit né « hors mariage », selon la désuète expression, voici une certitude. Son père, Ángel Castro y Argiz, avait épousé en premières noces une institutrice, Maria Argota. Il en a eu deux enfants : Pedro Emiliano et Lidia. Puis il a « connu » Lina Ruz, sa servante. Sept autres enfants sont nés de cette liaison. Et parmi eux Fidel et Raúl – plus d’un demi-siècle à la tête de Cuba. Plus tard, Maria Argota étant décédée,
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