Fiora et le Magnifique
d’or et les plus hauts seigneurs présents
jurèrent de partir en croisade contre Mahomet II et de lui arracher Byzance...
Dès
lors tout était dit pour Théodose qui pleura de joie et qui, nanti des
encouragements des Bourguignons, voulut repartir toutes affaires cessantes afin
d’annoncer la bonne nouvelle à ce qui restait du peuple de ses ancêtres et les
préparer à la lutte. Démétrios, en proie pourtant aux pires pressentiments,
repartit avec lui. Pendant des mois, ils parcoururent les terres et les îles
grecques, annonçant la venue de la croisade comme un nouvel Évangile mais rien
ne venait... Théodose refusait l’évidence : le vœu du Faisan n’avait été
que l’occasion de fabuleuses réjouissances. Le duc Philippe ni son fils n’avaient
envie de quitter ce qui était presque un royaume pour aller chercher querelle à
un lointain ennemi même si, cet ennemi, ils le considéraient comme l’Antéchrist.
Ils n’avaient fait que se faire plaisir à eux-mêmes en ressuscitant ainsi ces
antiques traditions chevaleresques auxquelles l’un comme l’autre se
proclamaient si fort attachés. Rien de plus !
De
tout cela, Théodose ne croyait rien. Il avait foi en un serment solennel qui ne
pouvait être violé sans manquer à l’honneur. Installé à Athènes avec son frère,
il attendait la venue des croisés ; il prêchait l’espoir, la résistance.
Hélas !
Ce n’était pas la brillante armée de la croisade qu’il avait vue venir, c’était
encore et toujours le Turc invincible. En 1456, Athènes tombait à son tour et
Théodose avait été pris. Démétrios, occupé à soigner des blessés en un autre
point de la ville, n’était pas auprès de lui mais il l’avait vu mourir et de
cette mort atroce parce que, prisonnier, il continuait encore à annoncer que le
Grand Duc d’Occident viendrait bientôt châtier les ennemis du Christ. Démétrios
avait cru devenir fou. La nuit venue, il avait poignardé Théodose pour abréger ses
souffrances puis il s’était enfui. C’est de ce jour qu’il avait cessé de croire
en Dieu et qu’il s’était juré de tirer vengeance de ceux par la faute de qui
son jeune frère était allé vers une fin abominable. Mais la Bourgogne était
loin, elle était riche, puissante, ses princes étaient bien défendus et lui n’avait
plus rien que la besace où il rangeait les quelques instruments dont il pouvait
avoir besoin.
Alors,
pendant des années, Démétrios s’était efforcé d’acquérir toujours plus de
savoir car, de ce savoir, il espérait tirer la puissance qui lui manquait. Il l’avait
cherché partout : en Egypte et dans les sables de l’Arabie, en Afrique et
dans le dernier royaume maure d’Espagne, auprès des juifs de Tolède où il avait
été initié à la Kabbale, dans l’université célèbre de Montpellier où demeurait
le souvenir des grands Arnauld de Villeneuve et Guy de Chauliac ; il l’avait
cherché aussi dans les antres noirs des sorciers et des magiciens. Il avait
étudié la course des astres et leurs rapports avec la destinée humaine. Il
avait développé, par le jeûne – souvent obligatoire ! – ses dons de
voyance et appris, d’un médecin juif de Malte, les étranges pouvoirs d’un
regard joint à une volonté inflexible. Pensant alors qu’il détenait enfin cette
puissance tant désirée, il s’était embarqué, avec Esteban qui s’était attaché à
lui en Castille, pour Marseille. Une tempête les avait jetés tous deux au fond
du golfe de Gênes plus démunis que jamais, malades de surcroît. Un marchand les
avait recueillis, réconfortés et avait appris à Démétrios qu’un sien cousin,
Constantin Lascaris, célèbre grammairien, était attaché à la cour du duc de
Milan. Il pourrait certainement apporter une aide à un médecin de si grande
valeur.
Le
cousin Constantin s’était montré aimable mais, de toute évidence, il ne
souhaitait pas voir s’étoffer la famille Lascaris à Milan et il avait obtenu de
son duc une belle lettre de recommandation – qu’il avait d’ailleurs écrite
lui-même ! – pour Lorenzo de Médicis toujours avide d’accueillir les
hommes de grande culture venus des terres grecques.
Démétrios
était las. Il souhaitait un peu de repos. Il l’avait trouvé à Florence où le
Magnifique l’avait traité en ami et installé selon ses souhaits et même
au-delà. Dans son castello de Fiesole, l’errant se trouvait bien. Il
travaillait à un ouvrage sur
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