Fiora et le Magnifique
concordances avec le mien.
Nos destinées s’unissent pendant un certain laps de temps...
– Et
celui-là ? dit Fiora en désignant le troisième parchemin encore enroulé
sous son ruban rouge :
– Nous
y viendrons plus tard, si tu le veux bien. A présent... toujours si tu le veux
bien et puisque tu n’as rien à faire, ajouta le Grec avec un de ses rares
sourires, je désire te raconter une histoire ; mon histoire ! Ensuite
tu me diras si tu acceptes de souscrire au pacte que je t’offrirai.
– Et
si je n’accepte pas ?
Démétrios
considéra un instant la jeune femme puis sourit à nouveau :
– Pour
le simple plaisir de refuser, n’est-ce pas ? Cela m’étonnerait mais si
cela était, tu resterais ici le temps qui te plairait puis je te remettrais un
peu d’argent, un cheval et j’ouvrirais la porte devant toi pour que tu ailles
où bon te semblerait.
Fiora
débarrassa un escabeau des livres qui l’occupaient et s’assit :
– J’ai
toujours aimé les histoires, dit-elle simplement. Je t’écoute !
Démétrios
reprit place sur son siège, s’appuya sur les accoudoirs et ferma les yeux :
– Je
n’ai pas toujours été cet oiseau de nuit que je suis devenu et qui fait peur
aux petits enfants... et à d’autres. J’ai été jeune, riche, prince car les
Lascaris ont régné sur Byzance. J’avais un palais, comme toi, et j’avais un
jeune frère...
Et
devant les yeux, d’abord froids et indifférents puis de plus en plus attentifs
de la jeune femme, Démétrios déroula sa vie comme une longue tapisserie à
personnages. Sa voix profonde possédait une étonnante puissance d’évocation et
sa jeune auditrice oublia bientôt le décor qui l’entourait, la grande pièce aux
murs blanchis à la chaux avec ses armoires de bois sombres, le fourneau en
terre réfractaire qui en occupait un coin sous une sorte d’entonnoir renversé
de tôle noircie, le grand soufflet en peau de chèvre et les rayonnages où s’alignaient
des pots d’apothicaires, des paquets d’herbes sèches et tout un fatras de
cornues, de fioles et de mortiers. A leur place, elle vit Byzance, d’azur et d’or,
posée comme un joyau sur le Bosphore et la Corne d’Or, agrafe précieuse entre l’Europe
et l’Asie, elle vit les voiles rouges du sultan infidèle, et puis la guerre, le
sang, le massacre. Elle vit Théodose qui lui sembla un héros selon son cœur
avec son courage et sa folie. Elle vit le faste délirant de la fête du Faisan
et, dressés sur cette toile de fond scintillante, les visages de deux hommes qu’elle
avait déjà appris à détester : le duc Philippe et son fils Charles, cet
homme qui ignorait la pitié, ce chevalier qui n’accomplissait pas ses vœux, ce
prince enfin pour les armes duquel Philippe l’avait cueillie et rejetée...
Mais
autant le conteur avait mis de flamme et de couleur pour faire vivre son récit
jusqu’à la mort de Théodose, autant il se montra concis pour les événements de
sa propre vie qu’il résuma en quelques phrases. Ce qu’avaient été ses études,
ses découvertes et ceux auxquels il les devait, il n’en parla pas. C’était son
domaine réservé et il n’entendait pas laisser Fiora y pénétrer. Celle-ci d’ailleurs
ne posa pas de questions. Quand Démétrios se tut, elle se contenta de désigner
du doigt le rouleau de parchemin qu’il n’avait pas ouvert.
– Cet
horoscope, c’est celui du duc de Bourgogne, n’est-ce pas ?
– Tu
es intelligente. Je n’en ai jamais douté.
– Et
ce pacte dont tu parlais tout à l’heure ?
– Je
crois que tu as déjà compris : je t’aiderai dans ta vengeance si tu m’aides
dans la mienne.
– D’autant
plus volontiers que j’ai, moi aussi, un compte à régler avec celui que l’on
appelle le Téméraire. Mais je t’avoue que je ne vois pas très bien comment cela
sera possible ?
– Et
pourtant cela sera ! J’en ai eu la certitude quand j’ai vu l’envoyé de
Bourgogne se diriger vers toi, te rechercher et enfin t’épouser...
– Ne
me parle pas de lui ! s’écria Fiora prise d’une colère subite.
– Et
pourtant, il faudra en parler. Tu es, bien réellement, la dame de Selongey, sa
femme, et il faudra bien qu’il t’accueille. Mais laissons cela pour le moment.
Acceptes-tu le traité que je t’offre ?
– D’autant
plus volontiers que tu en as déjà accompli une part. N’as-tu pas tué Pietro ?
Dois-je écrire mon engagement sous ta
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