Fiora et le Magnifique
première fois, il pensa qu’il n’était
plus jeune...
Fiora,
elle, resta longtemps au jardin. Ayant dormi une partie de la journée, elle n’avait
pas sommeil et la nuit était magnifique. Elle regarda longuement les étoiles,
ces étoiles dont Démétrios connaissait le langage mais qui, pour son ignorance,
n’étaient qu’un merveilleux spectacle. Elle eût aimé pourtant savoir laquelle
était la sienne... et si elle rejoindrait un jour celle de cette petite
Khatoun, sa dernière amie, dont, l’ayant perdue, elle sentait combien elle lui
était devenue chère.
CHAPITRE X DESCENTE AUX
ENFERS
– Que
vas-tu faire de moi ? demanda Fiora. Occupé à écrire, assis devant une
grande table chargée de volumes plus ou moins poussiéreux, de papiers couverts
de chiffres et de dessins étranges, Démétrios leva les yeux, et regarda la
jeune femme.
– Tu
t’ennuies déjà ?
– Non.
Et, je ne voudrais pas te paraître ingrate mais je ne peux pas rester
indéfiniment assise dans ton jardin à regarder voler les oiseaux ou dans ta
cuisine à observer Samia tandis qu’elle prépare les repas. J’ai besoin de faire
quelque chose. Ne fût-ce que pour essayer d’oublier que, de tous ceux que j’aime,
il ne me reste personne.
– Hier,
fit Démétrios avec un soupir, j’ai posé au seigneur Lorenzo la question que tu
viens de formuler.
– Et
qu’a-t-il répondu ?
– Que
tu ne bouges surtout d’ici sous aucun prétexte et que tu ne te laisses voir par
personne du pays.
Fiora
haussa les épaules avec agacement. Ne rien faire... attendre ! Alors qu’elle
brûlait de se lancer sur la trace de ses ennemis, d’attaquer à son tour...
– Souviens-toi
de tes paroles ! Ne m’as-tu pas promis de me donner les armes qui me
manquent pour venger les miens ?
– Je
te l’ai promis et je tiendrai parole. Mais sache ceci : la première de ces
armes, c’est la patience. J’ai peur que tu n’aies beaucoup de peine à l’apprendre
et c’est normal : tu es jeune, impulsive. Tu ressembles à un oiseau que l’on
vient d’installer dans une cage pour le mettre à l’abri du chat qui le guette.
Il ne comprend pas et vole de tous les côtés mais ne réussit qu’à se blesser
aux barreaux de la cage. Toi tu sais que tu es en danger. Alors laisse aux
esprits le temps de se calmer !
– Et
à Hieronyma le temps de triompher ?
– Pourquoi
pas ? Rien de plus dangereux que le triomphe ! Il rend aveugle, il
émousse les facultés, relâche les défenses, endort dans une sécurité
trompeuse... Laisse cette femme se croire victorieuse et sûre de l’impunité !
Tu ne l’atteindras que plus aisément. Elle est déjà atteinte, même si elle l’ignore
encore puisqu’elle a perdu son fils... Mais c’est cela la patience : attendre !
Savoir attendre dans l’ombre, dans la nuit, dans la ruelle. Moi il y a bientôt
vingt ans que j’attends !
– Et
quoi donc ?
– La
même chose que toi : une vengeance ! Tu m’as demandé pourquoi je m’intéressais
à toi depuis que je t’ai rencontrée et pourquoi je t’ai, tout de suite, proposé
mon aide ? Tu t’es imaginé peut-être que j’avais des intentions
équivoques, que ta beauté m’attirait ?
– Je
n’ai jamais rien imaginé de tel ! fit Fiora en haussant les épaules.
– Et
tu as eu raison. Je n’éprouve rien pour toi : ni désir ni amour.
Peut-être, à présent, un peu d’amitié parce que tu es courageuse. Non, je t’ai
offert mon aide parce que je savais que tu allais en avoir besoin mais avec l’arrière-pensée
d’obtenir ensuite ton assistance pourmes propres projets. Les
astres m’ont dit que cela était possible.
– Les
astres ? S’occupent-ils à ce point des humains ?
– Ils
ne s’en occupent pas mais ils sont et leurs positions au moment de la
naissance, leurs évolutions permettent aux initiés de lire bien des choses dans
ce grand livre qu’est le ciel. Tiens !
Démétrios
fouilla dans une armoire placée derrière le dossier de sa cathèdre et en tira
des rouleaux de parchemin. Il en déroula deux qu’il fixa sur la table avec
divers objets :
– Voici
mon thème astral et voici le tien. J’ai eu beaucoup de mal à obtenir la date
exacte de ta naissance et il m’a été impossible d’en découvrir l’heure, bien
entendu. C’est pourquoi ton horoscope est incomplet et un peu vague mais les
lignes essentielles y sont. Et j’y trouve certaines
Weitere Kostenlose Bücher