Fiora et le Magnifique
mort et martyre
durant cette nuit qui livrait Fiora au désir d’un homme mais, maintenant, il ne
voulait plus penser qu’au bonheur de garder sa fille auprès de lui pour
toujours...
– Eh
bien, voilà qui est parfait ! soupira-t-elle. Mais il est temps pour moi
de monter auprès d’elle pour surveiller son réveil. Il est possible qu’elle ne
trouve pas ce matin aussi heureux qu’il vous apparaît...
Léonarde
avait peine à dissimuler sa colère. De combien de larmes son enfant allait-elle
payer un bonheur qui n’avait duré que trois jours et une nuit ? Beltrami
ne comprenait-il pas qu’elle ne serait plus jamais la même une fois passé le
seuil de l’amour physique ? Et si un enfant s’annonçait ?
– Je
ne crois pas que ce soit à souhaiter, répondit-elle en elle-même. Si elle était
mère, Fiora ne pourrait plus jamais oublier cet époux de quelques heures et l’oubli,
c’est encore ce que l’on peut lui souhaiter de mieux.
Mais
elle n’y croyait pas. Lentement, en prenant les mêmes précautions, elle regagna
la chambre où la jeune femme dormait toujours et tira une chaise auprès du lit
pour y attendre son réveil. Elle ne voulait pas que celle-ci ouvrît les yeux
sur une chambre vide. Et, en effet, quand Fiora s’éveilla, ce fut le visage
familier de Léonarde qu’elle aperçut. Elle lui offrit un rayonnant sourire :
– Vous
étiez là ? Est-il donc si tard ?
– Près
de midi. Vous avez bien dormi ?
Mais
Fiora, déjà, cherchait quelqu’un dans ce lit devenu soudain si grand mais qui
gardait encore l’empreinte d’un corps :
– Philippe !
... Où est-il ?
Léonarde
quitta son siège et vint s’asseoir tout près de la jeune femme.
– Il
est parti, dit-elle aussi doucement qu’elle put, effrayée soudain de voir les
yeux de Fiora, encore embrumés l’instant précédent, s’éclairer d’un seul coup
et s’agrandir.
– Parti ?
,.. Pas parti pour...
– Pour
rejoindre monseigneur le duc de Bourgogne. Il a quitté cette maison...
– Et
vous m’avez laissée dormir ?
Jamais
Fiora n’avait regardé sa vieille amie avec ces yeux brûlants de colère.
– Il
n’a pas voulu que l’on vous réveillât. Il craignait, je crois, l’instant
toujours difficile du départ. Il a seulement coupé, pour l’emporter, une mèche
de vos cheveux...
– Devait-il
vraiment s’éloigner si vite ? Ne pouvait-il attendre au moins quelques
heures ? Nous avons été si heureux ensemble ! .., mais il n’est
peut-être pas encore très loin...
Fiora
jaillit du lit bouleversé et, sans même songer à se couvrir d’un vêtement,
courut jusqu’à la fenêtre qu’elle ouvrit en grand. Le ciel était gris et le
vent balayait la fine pluie qui tombait depuis le milieu de la matinée mais
Fiora ne s’en souciait pas :
– Philippe !
appela-t-elle de toute sa voix, Philippe ! Reviens !
Beltrami
qui faisait quelques pas dans le jardin pour achever de chasser les fumées de
sa nuit maudite, entendit ses cris, leva la tête et resta interdit devant ce qu’il
voyait : une femme nue, échevelée qui, dans le vent mouillé lançait des
appels désespérés. Une femme qui n’était pas, qui ne pouvait pas être sa fille.
La voix, chaude et douce de Fiora ne pouvait émettre cette clameur rauque de
lionne appelant son mâle...
Les
cris ne cessaient pas, l’image impudique et affolante ne s’effaçait pas. Alors,
en aveugle, les deux mains sur ses oreilles pour ne plus rien entendre, le
malheureux s’enfuit droit devant lui à travers les massifs dépouillés par l’hiver
jusqu’à l’abri précaire mais sourd d’une petite grotte de rocailles ou, dans un
bassin, coulait une fontaine à tête de lion. Là, couché de tout son long sur la
terre humide, Francesco Beltrami pleura ses illusions perdues. L’étranger n’avait
demandé qu’une nuit et cette seule nuit lui avait suffi pour faire de Fiora une
autre femme, « sa » femme à lui. Et l’enfant de naguère ne
reparaîtrait jamais plus...
CHAPITRE V HIERONYMA
– Tu
as changé, Fiora... Voilà des jours et des jours que je t’observe et chaque
fois que je te revois, cela me paraît plus évident. Aujourd’hui, il fallait que
je te le dise.
Fiora
sourit à son amie. Le gentil visage de Chiara portait en effet un pli soucieux
qui lui était bien inhabituel et qui lui donnait une sorte de gravité.
– En
quoi ai-je tellement changé ?
– Tu
ris moins
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