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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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grisant de l’amour. Elle
n’était pas revenue. Une heure plus tard, Fiora quittait Nancy à destination du
Plessis-lès-Tours, le château royal, en compagnie de sa vieille amie dame
Léonarde Mercet et escortée du sergent La Bourrasque, autrement dit Douglas
Mortimer, des Mortimer de Glen Livet, l’un des plus brillants officiers de la
fameuse Garde écossaise du roi Louis. Aucune réconciliation n’était possible,
car, pour rien au monde, Philippe ne se fût lancé à la poursuite de sa femme
dès l’instant que sa route la menait vers le plus redoutable ennemi du défunt
duc de Bourgogne. Le lendemain, Philippe quittait à son tour la Lorraine afin
de rejoindre, à Gand, la princesse Marie de Bourgogne et la duchesse veuve
Marguerite qui s’efforçaient de rassembler leurs fidèles pour faire face à un
horizon devenu singulièrement sombre. La politique creusait à nouveau le fossé
que l’amour croyait avoir comblé à jamais...
    Pour
tenter de chasser ce souvenir qui lui ôtait son courage, Philippe voulut se
lever, faire quelques pas. Il lui restait peu d’heures à vivre ; il ne
voulait pas les user en regrets stériles. Dans le cliquetis des longues chaînes
qui reliaient ses poignets à la muraille, il quitta ce qui lui servait de lit,
quatre planches scellées dans la maçonnerie, et marcha vers le soupirail d’où
venait le jour, en prenant bien soin de ne pas se redresser car la voûte de
pierre était trop basse pour sa haute taille.
    Sa
fenêtre donnait sur la cour intérieure de la maison du Singe, à Dijon, qui
renfermait à la fois l’hôtel de ville et la prison. Ce jour d’été l’emplissait
d’une large flaque de soleil dont la lumière éclairait les geôles et même les
cachots enfoncés dans le sol. Quelques brins d’herbe poussaient devant le
soupirail et le prisonnier s’efforça de les atteindre. Il eût aimé les tenir
dans ses mains, les froisser pour respirer leur odeur de campagne et s’imprégner
encore un peu de ces joies simples qui avaient été celles de son enfance quasi
paysanne. Les liens étaient étroits, qui unissaient, entre cinq et dix ans, le
fils du châtelain et ceux de ses vassaux. C’était plus tard que la différence s’était
fait sentir : les jeunes croquants étaient demeurés attachés à la glèbe,
aux cycles des saisons, à leurs fêtes comme à leurs travaux, tandis que le
petit noble s’en était allé apprendre à revêtir ce qui deviendrait sa seconde
peau – cet assemblage de cuir et de ferraille qui lui permettrait d’affronter
le combat – et à remplacer les épées et les lances de cornouiller par les
belles lames forgées à Tolède ou à Milan. Dans son caveau de pierre où il
voyait une antichambre de celui, définitif, qui l’attendait, le comte
choisissait de se tourner vers son enfance, comme les très vieilles gens qui
savent que leur chemin va bientôt s’achever. Penser à sa femme lui était trop
cruel et il préférait l’oublier. Quant à ce combat ultime pour lequel on l’avait
condamné, il comprenait à présent qu’il l’avait toujours su perdu d’avance.
    Rien
ne restait, ou si peu, des belles armées qu’un sort contraire avait fait fondre
en un peu plus d’une année, et ils étaient nombreux ceux de Bourgogne qui
souhaitaient la paix à tout prix. L’héritière, Marie de Bourgogne, dont
Philippe avait impétueusement embrassé la cause, était à peine moins
prisonnière dans son palais de Gand qu’il ne l’était lui-même de sa geôle
dijonnaise. La plus turbulente des cités flamandes s’était refermée sur elle et
sur la duchesse veuve comme un coffre d’usurier ; elle ne leur rendrait
pas de sitôt la liberté. Et, duchesse souveraine par droit de naissance, Marie
avait moins de pouvoir que le plus modeste de ses châtelains.
    Certes,
elle était fiancée au prince Maximilien, héritier d’Allemagne, mais l’engagement
serait-il tenu ? Le fils de l’Empereur ne se détournerait-il pas de la
Bourguignonne à demi ruinée pour regarder vers des partis plus intéressants ?
Comment le savoir ? Les nouvelles des Flandres n’arrivaient plus que
difficilement à la poignée de partisans qui entendaient conserver la Bourgogne
à la fille du Téméraire.
    Dans
les tout premiers temps qui suivirent la mort du duc, les choses allèrent assez
bien. D’abord, la funèbre nouvelle rencontra beaucoup d’incrédules. On disait
que Charles avait échappé à la mort, qu’il se cachait

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