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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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papistes.
    Ceci
 – blasphème inouï pourtant pour un prêtre romain  – fut fort bien
accueilli par un auditoire qui n’y entendait pas malice et accepté par lui
comme une vérité relevant du simple bon sens. Nos gens ne firent pas davantage
de difficultés quand le ministre Duroy attaqua le célibat des prêtres
(« C’est toute hypocrisie, dit Jonas. Pour sûr que Pincettes est moins
chaste que moi en ma grotte »). Quand Duroy parla des vœux monastiques,
Cabusse fit remarquer en se gaussant que « les moines sont les poux du
peuple ». Quand on en vint aux indulgences, Faujanet fit remarquer
qu’« à ce compte, seuls les riches seraient sauvés ». Et sur le sujet
des confessions auriculaires, Barberine fit remarquer qu’« elles
renseignaient Pincettes sur les secrets des familles ».
    En
revanche, un prodigieux étonnement et une assez forte résistance se firent jour
quand Duroy s’en prit au culte de Marie et des saints. Il mena pourtant son
attaque avec tact et prudence.
    — D’après
l’Ecriture, dit-il, Christ est le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il
ne faut donc pas prier la Vierge et les saints pour qu’ils intercèdent auprès
du Christ, ni leur rendre un culte quelconque. Nous respectons les saints comme
autant de héros de la foi, mais nous refusons de les adorer. De même, nous
honorons Marie comme mère du Christ, mais nous refusons de l’adorer. La parole
de Dieu en Sa Sainte Ecriture est claire et indubitable. Le seul intercesseur
auprès de Dieu est le Christ. Quiconque s’écarte de cette règle tombe dans
l’idolâtrie. Le culte de Marie et des saints n’est qu’abus et fallace de Satan.
    Il
y eut à ce moment-là une forte émotion parmi nos gens  – hommes et femmes
 – et à leur silence effaré, aux yeux qu’ils roulaient en tous sens, aux
lippes crispées, on pouvait voir que les paroles de Duroy heurtaient chez eux
une tradition millénaire. Car il n’était point de maison bourgeoise qui n’eût à
Sarlat, dans une petite niche, une statue de la Vierge devant laquelle il eût
été peu indiqué de passer sans un signe de croix ou un Ave murmuré à
voix basse. Chaque village un peu important avait son saint, et la fontaine de
son saint, et les miracles de son saint, à qui culte était rendu, qui passait
en ferveur, parfois, celui rendu à Jésus-Christ, car le Christ était loin, tout
comme le Roi en son Louvre, tandis que le saint du village était proche, comme
le seigneur en son château.
    Quand
mon père, qui savait bien tout cela, perçut le silencieux tumulte que Duroy
avait provoqué, il résolut de débrider l’apostume et dit sur le ton de
l’enjouement, et non de la colère :
    — Parlez,
mes bons amis. Parlez en toute aise et fiance. Il ne vous en sera point fait
grief.
    Mais
nos bons amis se turent, très effrayés à la pensée de contredire le ministre
Duroy qui, avec son visage pâle, ses traits creusés, sa longue barbe blanche et
son immobilité, avait justement l’air d’un de ces saints qu’on voit sur les
vitraux.
    — Allons,
dit mon père avec un peu d’impatience, point de vergogne ! Parlez, mes
gens ! Dites là-dessus votre sentiment ! Je le veux !
    Nos
gens se regardèrent entre eux et leurs regards convergèrent enfin sur Barberine
comme pour lui demander de porter parole, tant sa position à Mespech paraissait
forte comme nourrice des enfants Siorac  – ceux qui étaient présents et
ceux qui viendraient un jour. Et Barberine, après quelque hésitation, se
décida, tant le sujet lui tenait à cœur.
    — Moussu
lou Baron, dit-elle en rosissant des racines des cheveux à la naissance des
tétons, peux-je parler devant que les hommes le feront ?
    — Tu
le peux, ma pauvre Barberine, dit mon père qui s’attendrit à regarder ce beau
rose dans toute son étendue  – et d’autant plus bienveillant qu’un tel
contradicteur ne lui paraissait pas bien dangereux.
    Il
ajouta :
    — Tu
sais combien tous ici nous t’aimons.
    — Bien
le merci, Moussu lou Baron, dit Barberine, frémissante et la poitrine houleuse,
car elle adorait mon père. Pour sûr, reprit-elle, que je ne suis qu’une femme,
et une femme bien ignorante, au regard de nos deux messieurs, et de monsieur le
ministre Duroy, et des messieurs Siorac, et des soldats qui ont voyagé sur les
chemins du monde, et de Jonas et de Faujanet, qui sont si savants en leurs
métiers, et j’ai grande audace d’ouvrir la bouche en leur

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