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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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santé.
    Nerveux et irascible, il se fâchait souvent avant d'avoir réfléchi, et son unique défaut était de croire avec précipitation à des torts qu'il ne prenait pas le temps de se faire prouver.» Il en attribua, paraît-il, quelques-uns à George Sand, dont elle se défend, sans les préciser. De vrai, il y avait entre eux une divergence irréductible sur un point essentiel. Elle revendiquait pour la femme des titres et des droits qu'il ne voulait, en aucune manière, concéder. Ils se heurtèrent, et elle n'en garda ni froissement ni rancune. S'ils ne se brouillèrent pas, selon l'habituelle issue des enthousiasmes de George Sand, c'est qu'elle ne ressentit pour lui qu'une tendresse intellectuelle, tout immatérielle. «J'avais, déclare-t-elle dans l'Histoire de ma Vie, comme une faiblesse maternelle pour ce vieillard, que je reconnaissais en même temps pour un des pères de mon Eglise, pour une des vénérations de mon âme. Par le génie et la vertu qui rayonnaient en lui, il était dans mon ciel, sur ma tête. Par les infirmités de son tempérament débile, par ses dépits, ses bouderies, ses susceptibilités, il était à mes yeux comme un enfant généreux, mais enfant à qui l'on doit dire de temps en temps : «Prenez garde, vous allez être injuste. Ouvrez donc les yeux !»
    La communauté des aspirations républicaines les avait rapprochés ; mais l'élève ne tarda pas à alarmer le maître par l'audace de ses tendances socialistes. Lamennais ne souhaitait que d'instituer le règne de l'Evangile dans les consciences. George Sand avait des conceptions plus hardies et plus hasardeuses. Elle battait en brèche l'autorité maritale et la propriété individuelle. Elle professait déjà une sorte de collectivisme qui ne demandait qu'à devenir gouvernemental.
    Et Lamennais renonçait à la suivre. «Après m'avoir poussée en avant, dit-elle, il a trouvé que je marchais trop vite. Moi, je trouvais qu'il marchait parfois trop lentement à mon gré. Nous avions raison tous les deux à notre point de vue : moi, dans mon petit nuage, comme lui dans son grand soleil, car nous étions égaux, j'ose le dire, en candeur et en bonne volonté. Sur ce terrain-là, Dieu admet tous les hommes à la même communion.»
    Elle avait promis d'écrire, et elle n'a pas écrit l'histoire de leurs petites dissidences ; elle voulait le montrer «sous un des aspects de sa rudesse apostolique, soudainement tempérée par sa suprême équité et sa bonté charmante.» Nous savons seulement qu'il exerça sur elle l'action d'un directeur de conscience, et l'initia à une méthode de philosophie religieuse qui la toucha profondément, «en même temps, ajoute-t-elle, que ses admirables écrits rendirent à mon espérance la flamme prête à s'éteindre.»
    Durant les six ou sept années qui suivirent 1835, ce fut chez George Sand une adhésion sans réserve aux doctrines propagées par l'auteur des Paroles d'un Croyant. Dans la septième des Lettres d'un Voyageur, elle célèbre «la probité inflexible, l'austérité cénobitique, le travail incessant d'une pensée ardente et vaste comme le ciel ; mais, poursuit-elle, le sourire qui vient tout d'un coup humaniser ce visage change ma terreur en confiance, mon respect en adoration.» Elle unit alors dans un même culte Lamennais et Michel (de Bourges), l'écrivain et l'orateur qui font vibrer en elle les cordes secrètes. «Les voyez-vous, s'écrie-t-elle, se donner la main, ces deux hommes d'une constitution si frêle, qui ont paru cependant comme des géants devant les Parisiens étonnés, lorsque la défense d'une sainte cause les tira dernièrement de leur retraite, et les éleva sur la montagne de Jérusalem pour prier et pour menacer, pour bénir le peuple, et pour faire trembler les pharisiens et les docteurs de la loi jusque dans leur synagogue ?»
    Entre tous les jugements littéraires portés par George Sand sur le caractère et le génie de Lamennais, le plus décisif est celui qu'elle formula dans un article de la Revue Indépendante de 1842. Elle y analysait l'oeuvre étrange et vigoureuse qu'il venait de publier sous ce titre symbolique : Amschaspands et Darvands-c'est-à-dire les bons et les mauvais génies. Et George Sand, spirituelle et malicieuse contre son ordinaire, proposait de traduire ainsi en français moderne, pour être compris du Journal des Débats et de la presse conservatrice : Chenapans et Pédants. Cet article, après une sortie

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