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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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siens, dans la direction de Boussac ; puis elle se rend à La Châtre et ne regagne son logis que vers la mi-novembre. Sur les hommes et les choses de la Défense nationale ses premières impressions sont flottantes et confuses. Elle s'évertue à justifier la sincérité des contradictions où elle se débat.» Ne suis-je pas, écrit-elle au prince Jérôme, républicaine en principe depuis que j'existe ? La république n'est-elle pas un idéal qu'il faut réaliser un jour ou l'autre dans le monde entier ?» Mais, si l'on analyse sa Correspondance et surtout le Journal d'un Voyageur pendant la guerre, on voit croître l'aigreur des récriminations.
    Le 11 octobre, quand elle apprend que deux ballons, nommés Armand Barbès et George Sand, sont sortis de Paris, emportant entre autres personnes M. Gambetta, elle le définit «un remarquable orateur, homme d'action, de volonté, de persévérance.» Trois semaines après, il a «une manière vague et violente de dire les choses qui ne porte pas la persuasion dans les esprits équitables. Il est verbeux et obscur, son enthousiasme a l'expression vulgaire, c'est la rengaine emphatique dans toute sa platitude.» Cette opinion s'accentue ultérieurement et atteint une extrême virulence de vocabulaire. «Arrière la politique ! écrit-elle le 29 janvier 1871 à M. Henry Harrisse, arrière cet héroïsme féroce du parti de Bordeaux qui veut nous réduire au désespoir et qui cache son incapacité sous un lyrisme fanatique et creux, vide d'entrailles !» Elle aspire impatiemment à la paix et maudit «une dictature d'écolier». Sa colère l'entraîne jusqu'à mander au prince Jérôme : «Vous avez raison, cet homme est fou.» Elle ne retrouve le calme de sa pensée et l'impartialité de son jugement que lorsque la guerre étrangère et la guerre civile ont fait place à un gouvernement régulier. Non qu'elle eût beaucoup de goût pour Thiers et qu'elle appréciât judicieusement ses mérites. Elle avait contre lui des préventions, ainsi qu'il résulte de sa Correspondance et de conversations que relate M. Henri Amic : «La carrière politique de cet homme, disait-elle, finit mieux qu'elle n'a commencé. Il a toujours eu plus d'habileté que d'honnêteté.» De vrai, ils étaient en froid, depuis certaine scène d'antichambre qui montre Thiers sous un jour plus léger et George Sand sous un aspect plus farouche qu'on ne serait induit à l'imaginer. C'était à un dîner de cérémonie, avant la révolution de 1848.
    George Sand s'apprêtait à se retirer et avait envoyé Emmanuel Arago chercher son manteau. «J'étais, raconte-t-elle, tranquillement dans le vestibule, lorsque survint le petit Thiers. Il se mit aussitôt à me parler avec quelque empressement, je lui répondis de mon mieux ; mais tout d'un coup, je n'ai jamais su pourquoi, voici qu'assez brusquement la fantaisie lui vint de m'embrasser. Je refusai, bien entendu ; il en fut très profondément étonné, il me regardait tout ébahi, avec des yeux bien drôles. Lorsque Emmanuel Arago revint, je me mis à rire de bon coeur. Le petit bonhomme Thiers ne riait pas, par exemple, il semblait très furieux et tout déconcerté. Monsieur Thiers Don Juan, voilà comme le temps change les hommes.» Peu à peu cependant, devant l'oeuvre accomplie par celui qui devait être le libérateur du territoire, George Sand atténue sa sévérité.«M. Thiers n'est pas l'idéal, écrit-elle à Edmond Plauchut le 26 mars 1871, il ne fallait pas lui demander de l'être. Il fallait l'accepter comme un pont jeté entre Paris et la France, entre la République et la réaction.» Et, le 6 juillet de la même année, dans une lettre à M. Henry Harrisse : «Je crois à la sincérité, à l'honneur, à la grande intelligence de M. Thiers et du noyau modéré qui joint ses efforts aux siens.»
    La politique, au demeurant, la laisse assez indifférente. Elle vit de plus en plus retirée à Nohant, en famille, avec d'intimes amis, recevant les visites espacées de quelques grands hommes de lettres. Voici comment Théophile Gautier racontait la sienne, si nous en croyons le Journal des Goncourt : «A propos, lui demandait-on au dîner Magny, vous revenez de Nohant, est-ce amusant ?-Comme un Couvent des frères moraves...
    Il y avait Marchal le peintre, Alexandre Dumas fils... On déjeune à dix heures... Madame Sand arrive avec un air de somnambule et reste endormie tout le déjeuner... Après le déjeuner, on va dans le jardin.

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