George Sand et ses amis
On joue au cochonnet ; ça la ranime... A trois heures, madame Sand remonte faire de la copie jusqu'à six heures... Après dîner, elle fait des patiences sans dire un mot, jusqu'à minuit... Par exemple, le second jour, j'ai commencé à dire que si on ne parlait pas littérature je m'en allais... Ah ! littérature, ils semblaient revenir tous de l'autre monde... Il faut vous dire que pour le moment il n'y a qu'une chose dont on s'occupe là-bas : la minéralogie. Chacun a son marteau, on ne sort pas sans... Tout de même Manceau lui avait joliment machiné ce Nohant pour la copie. Elle ne peut s'asseoir dans une pièce sans qu'il surgisse des plumes, de l'encre bleue, du papier à cigarettes, du tabac turc et du papier à lettre rayé. Et elle en use... La copie est une fonction chez madame Sand. Au reste, on est très bien chez elle. Par exemple, c'est un service silencieux. Il y a dans le corridor une boîte qui a deux compartiments : l'un est destiné aux lettres pour la poste, l'autre aux lettres pour la maison. J'ai eu besoin d'un peigne, j'ai écrit : «M. Gautier telle chambre,» et ma demande. Le lendemain, à six heures, j'avais trente peignes à choisir.» Si l'abondante chevelure de Théophile Gautier réclamait un démêloir, Charles Edmond avait d'autres exigences. George Sand l'avertit, le 20 décembre 1873, qu'à son prochain voyage il recevra satisfaction : «On a acheté pour vous une énorme cuvette, Solange nous ayant dit que vous trouviez la vôtre trop petite. Alors, Lina s'est émue, et elle a fait venir de tous les environs une quantité de cuvettes.
Les Berrichons, qui s'en servent fort peu, ouvraient la bouche de surprise, et demandaient si c'était pour couler la lessive.» George Sand relate tous ces menus détails avec sa placidité coutumière, et, quand Théophile Gautier toujours effervescent s'étonne et s'impatiente d'un mutisme opiniâtre, elle répond à Alexandre Dumas fils qui s'était fait l'écho des doléances du poète : «Vous ne lui avez donc pas dit que j'étais bête ?»
Nohant est une usine ou plutôt un comptoir, où l'on débite de la copie. Il faut suivre cette production ininterrompue.-En 1870, c'est Césarine Dietrich, analyse d'un caractère de jeune fille très riche, très belle et très fantasque, qui ne réussit pas à se faire aimer du seul homme qui lui plaise, Paul Gilbert. Il préfère épouser sa maîtresse, une fille du peuple qu'il relève et qu'il instruit. Césarine, par dépit de s'être offerte et d'avoir été repoussée, devient marquise de Rivonnière et courra les aventures.-Francia, qui date de 1871, est un épisode de l'entrée des Cosaques à Paris. Le prince Mourzakine retrouve cette petite Francia qu'il a sauvée durant la retraite de Russie. Grisette sensible, elle l'aime. Française, elle en rougit et le tue, dans un accès d'exaltation chauvine.-Nanon (1871) nous reporte aux événements de la Révolution que George Sand envisage, non plus avec l'ardeur de 1848, mais avec une modération sénile. La jacobine est passée au parti de la Gironde. «Couthon et Saint-Just, écrit-elle, rêvent-ils encore la paix fraternelle après ces sacrifices humains ? En cela, ils se trompent ; on ne purifie pas l'autel avec des mains souillées, et leur école sera maudite, car ceux qui les auront admirés sans réserve garderont leur férocité sans comprendre leur patriotisme.»
-Dans Ma soeur Jeanne, Laurent Bielsa, fils d'un contrebandier, a terminé ses études de médecine et sent grandir en lui une tendresse inquiétante pour Jeanne. Par bonheur Jeanne n'est pas sa soeur. Il pourra la chérir sans trouble et l'épouser.-Flamarande et les Deux Frères, qui lui font suite, sont les mémoires d'un valet de chambre qui retrace les infortunes de la famille de Flamarande. Il y a là une étude assez tenace de la jalousie et des persécutions dirigées par un mari contre sa femme qu'il croit adultère. Elle passe vingt ans à gémir et à réclamer l'enfant qui lui a été ravi.-Marianne est un retour vers les moeurs simples de la campagne, avec une nuance d'idylle, et la Tour de Percemont met en scène une belle-mère qui tyrannise une jeune fille pour lui extorquer son héritage.-Reste un roman, Albine, qui demeura interrompu, et dont les premiers chapitres furent publiés par la Nouvelle Revue.
Les autres volumes de George Sand sont ou des contes pour les enfants, comme le Chêne parlant, le Château de Pictordu, la Coupe, les
Weitere Kostenlose Bücher