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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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qui, au lendemain de la lecture, le 10 mars 1833, lui adressait ses félicitations et ses remerciements enthousiastes. Ce morceau d'intime critique littéraire a été publié par M. de Spoëlberch de Lovenjoul, dans la Véritable Histoire de «Elle et Lui.» C'est la consécration du talent ou plutôt du génie de George Sand par le juge le plus avisé :
    «Madame, je ne veux pas tarder à vous dire combien la soirée d'hier et ce que j'y ai entendu m'a déjà fait penser depuis, et combien Lélia m'a continué et poussé plus loin encore dans mon admiration sérieuse et mon amitié sentie pour vous... Ce sera votre livre de philosophie, votre vue générale sur le monde et la vie.
    Tous vos romans suivants en seront éclairés d'en haut et y gagneront une autorité grave qui ne leur serait venue que plus lentement... Je ne vous dirai jamais assez combien j'ai été saisi de tant de fermeté, de suite et d'abondance, à travers des régions si générales, si profondes, si habitées à chaque pas par l'effroi et le vertige. Etre femme, avoir moins de trente ans, et qu'il n'y paraisse en rien au dehors quand on a sondé ces abîmes ; porter cette science, qui, à nous, nous dévasterait les tempes et nous blanchirait les cheveux, la porter avec légèreté, aisance, sobriété de discours,-voilà ce que j'admire avant tout. C'est Lélia en vous-même, dans la substance de votre âme, dans ce que vous avez longuement senti et raisonné, dans ce que vous en exprimez si puissamment quand vous voulez le peindre, et aussi dans ce que vous savez en dérober aux yeux sous le simple extérieur et l'habitude ordinaire. Allez, madame, vous êtes une nature bien rare et forte. Quelque corrosive qu'ait été la liqueur dans le calice, le métal du calice est vierge et n'a pas été altéré.»
    Si hardie que fût la métaphore, et quoique ce métal vierge dût un peu déconcerter George Sand, elle prêtait aux flatteries et aux louanges de Sainte-Beuve une oreille attentive. C'est lui qui la détermina, si nous en croyons l'Histoire de ma Vie, à publier Lélia. Elle affirme avoir composé d'abord des fragments épars, puis les avoir reliés par le fil d'une donnée romanesque. Toutefois elle mandait à François Rollinat, le 26 mai 1833 : «Je t'enverrai un livre que j'ai fait depuis que nous nous sommes quittés. C'est une éternelle causerie entre nous deux. Nous en sommes les plus graves personnages. Quant aux autres, tu les expliqueras à ta fantaisie.
    Tu iras, au moyen de ce livre, jusqu'au fond de mon âme et jusqu'au fond de la tienne.»
    Lélia, c'est donc bien-comme elle se complaisait à le confesser à Sainte-Beuve-George Sand elle-même. L'ouvrage a été conçu et écrit dans l'abattement, dans la désespérance, alors qu'elle s'isolait en sa rêverie pour tracer la synthèse du doute, de la souffrance, et la maladive inquiétude d'une âme errante, incapable de se fixer au rivage d'aucune certitude. «C'est, dit-elle, un livre qui n'a pas le sens commun au point de vue de l'art, mais qui n'en a été que plus remarqué par les artistes, comme une chose d'inspiration spontanée.»
    Dans Lélia, de même que dans la Nouvelle Héloïse-et il existe entre ces deux oeuvres des traits de ressemblance caractéristiques-ce n'est point à l'intrigue qu'il faut s'attacher, mais bien au développement prestigieux de la pensée, à l'art de la forme et à l'ampleur du style. Aimée par le jeune poète Sténio, Lélia ne peut l'aimer d'amour. Elle appartient toute à la mélancolie, à la désespérance, qui se sont emparées de son imagination et de son coeur, en tuant chez elle le don de la tendresse. A Sténio elle ne saurait accorder que la sollicitude affectueuse d'une mère ou d'une soeur. Il a d'autres visées. Ce qu'il demande n'est pas ce qu'elle offre. Tout le roman roulera sur ce mécompte, qui n'est pas d'ordre purement métaphysique. Sa confiance, Lélia l'a octroyée à Trenmor, un ancien libertin qui a tué sa maîtresse dans une orgie, est devenu forçat, et au bagne s'est métamorphosé en parangon de vertu, comme plus tard le Jean Valjean des Misérables. Cependant, pour fuir Sténio, elle s'est retirée dans les ruines d'une abbaye qui s'écroulent en une nuit de tempête.
    Elle est arrachée à la mort par le moine Magnus, une manière de disciple de saint Antoine, mais moins réfractaire à la tentation, et qui est harcelé par tous les aiguillons du désir. C'est un devancier, moins réaliste, de

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