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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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long discours de la comtesse sur les avantages du verre pressé – un discours de néophyte accompagné de roulements d’yeux pleins de ferveur. À l’en croire, on pouvait produire à peu près n’importe quoi en verre pressé. Bien entendu à un prix défiant toute concurrence. Les profits seraient énormes ; alors, le chocolat au lait serait si épais qu’on pourrait y planter sa petite cuillère et Alessandro (qui venait de les resservir) aurait sous ses ordres tout un régiment de domestiques en uniforme.
    Il ne lui avait pas échappé que sa mère employait un vocabulaire de plus en plus militaire depuis quelques mois. Quand elle parlait de verre pressé (ce qui était pour ainsi dire son seul sujet de conversation ces derniers temps), elle faisait penser à un général s’apprêtant à livrer bataille. Il ne s’agissait pas de vendre des verres et des vases, mais de prendre la concurrence en étau pour la saigner à blanc . Comment s’était-elle exprimée quelques jours plus tôt ? Ah oui, exact. Conquérir des marchés, c’est faire la guerre .
    Dans le vestibule, le sergent Valli le salua sans le regarder – comme il l’avait appris à l’armée – et lui tendit une feuille pliée en quatre.
    — De la part du sergent Bossi, commissaire.
    Le message de son adjoint était bref, mais suffisant : Orlov est mort. Plus de détails au commissariat .
     
    — Une patrouille militaire l’a repêché dans la sacca della Misericordia, la gorge tranchée, lui apprit le sergent Bossi une demi-heure plus tard. Les soldats ont accouru aux cris d’une femme menacée par un homme au milieu d’une mare de sang. Alors ils ont remarqué que le mur de soutènement lui aussi en était couvert. Et ils ont aperçu le cadavre. La marée montante le retenait contre le quai.
    — Et ensuite ?
    — Un des deux soldats est parti chercher du renfort. Une fois sur place, les hommes ont transporté le corps d’Orlov à l’ospedale di Ognissanti et emmené le couple à la caserne de la Douane de mer. Le colonel avait ses papiers sur lui. C’est ainsi qu’ils ont pu l’identifier.
    — Et l’homme avait menacé la femme, oui ou non ?
    — Non, c’était un malentendu. Ils ont relâché la femme après l’interrogatoire.
    — Et l’homme, où est-il maintenant ?
    — En bas, aux arrêts. L’armée ne voulait pas le garder, mais pas non plus le libérer. Donc, ils nous l’ont amené ce matin. Avec un procès-verbal où figurent les noms de la victime, de l’homme et de la femme.
    Il marqua un temps d’arrêt et fixa son supérieur d’un air amusé. Puis il dit avec entrain :
    — La jeune femme n’est personne d’autre que Mlle Violetta.
    Il fallut quelques secondes au message pour trouver le chemin qui menait des oreilles jusqu’au cerveau de Tron.
    — Mlle Violetta ? Qui rentrait chez elle ? En compagnie de l’ homme établi ? Et que nous étions censés ne pas quitter des yeux ?
    Le sergent sourit.
    — Que nous n’avons pas quittée des yeux, commissaire ! Sauf que notre informateur s’est retiré dès qu’il a vu surgir la patrouille.
    Tron se demanda si son adjoint n’était pas lui aussi convaincu de l’existence de ce mouchard quand il en parlait.
    — Vous pensez que Spaur va gober un tel mensonge ?
    — La représentation s’est terminée vers onze heures. On les a arrêtés vingt minutes plus tard. Mlle Violetta et son soupirant n’ont donc pu que remonter d’un pas tranquille la sacca della Misericordia. Le rapport ne fournira aucun détail supplémentaire. En revanche, nous connaissons désormais le nom de l’ homme établi .
    — Quelqu’un s’est-il penché sur l’heure du crime ? voulut savoir Tron.
    Bossi jeta un coup d’œil sur la feuille qu’il tenait à la main.
    — Le procès-verbal contient une petite note du médecin de garde, dit-il. Orlov n’est pas resté dans l’eau plus d’une heure.
    — Donc, il a été assassiné entre dix heures et demie et onze heures, en déduisit le commissaire. Sans doute sur le chemin de la pension Apollo . Je ne vois pas ce qu’il aurait fait d’autre dans ce quartier. Vous disiez qu’il avait son passeport sur lui. Avait-il aussi de l’argent ?
    Le sergent hocha la tête.
    — Oui, une somme assez importante dans son portefeuille.
    — Donc, il ne s’agit pas d’un crime crapuleux.
    — De quoi s’agit-il alors ? demanda Bossi.
    Le commissaire se doutait de ce que son adjoint avait envie d’entendre, mais préféra rester

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