Guerre Des Gaules
nos
pères, quand Marius remporta sur les Cimbres et les Teutons une
victoire qui ne fut pas moins glorieuse pour ses soldats que pour
lui-même ; on l'avait connu aussi, plus récemment, en Italie,
lors de la révolte des esclaves, et encore ceux-ci trouvaient-ils
un accroissement de force dans leur expérience militaire et leur
discipline, qualités qu'ils nous devaient. Leur exemple permettait
de juger ce qu'on pouvait attendre de la fermeté d'âme, puisque des
hommes qu'on avait un moment redoutés sans motif quand ils étaient
dépourvus d'armes, avaient été battus ensuite alors qu'ils étaient
bien armés et avaient des victoires à leur actif. Enfin ces
Germains sont les mêmes hommes avec qui, à maintes reprises, les
Helvètes se sont mesurés, et dont ils ont presque toujours triomphé
non seulement sur leur propre territoire, mais en Germanie même et
pourtant les Helvètes n'ont pu tenir devant nos troupes. Si
certains esprits s'alarmaient de l'échec et de la déroute des
Gaulois, il leur suffisait de réfléchir pour en découvrir les
causes ; à un moment où les Gaulois étaient fatigués de la
longueur de la guerre, Arioviste, qui, pendant de longs mois
s'était confiné dans son camp, au milieu des marécages, les avait
attaqués soudainement, quand ils désespéraient de pouvoir jamais
combattre et s'étaient disséminés ; sa victoire était due
moins à la valeur des Germains qu'à l'habile tactique de leur chef.
Mais une tactique qui avait été bonne pour combattre des hommes
barbares et sans expérience, Arioviste lui-même n'espérait pas que
nos armées s'y pussent laisser prendre.
Ceux qui déguisaient leur lâcheté en
prétextant qu'ils étaient inquiets de la question des vivres et des
difficultés de la route, ceux-là étaient des insolents, car ils
avaient l'air ou de n'avoir aucune confiance en leur général, ou de
lui dicter des ordres. Il s'occupait de ces questions du blé, les
Séquanes, les Leuques, les Lingons en fournissaient, et les
moissons étaient déjà mûres dans les champs ; la route, ils en
jugeraient sous peu par eux-mêmes. Quant à ce que l'on disait,
qu'il ne serait pas obéi et que les troupes refuseraient de
marcher, cela ne le troublait nullement : il savait bien en
effet, que tous les chefs aux ordres de qui leur armée n'avait
point obéi ou bien avaient essuyé des échecs et s'étaient vus
abandonnés de la Fortune, ou bien avaient commis quelque mauvaise
action dont la découverte les avait convaincus de malhonnêteté.
Mais lui, sa vie entière témoignait de son désintéressement, et la
guerre des Helvètes avait bien montré quelle était sa chance.
Aussi, ce qu'il avait eu d'abord l'intention de ne faire que dans
quelque temps, il l'exécuterait sur-le-champ, et il lèverait le
camp cette nuit, au cours de la quatrième veille, car il voulait
savoir au plus tôt s'ils obéissaient à la voix de l'honneur et du
devoir, ou aux conseils de la peur. Si maintenant personne ne le
suit, il n'en marchera pas moins, suivi seulement de la dixième
légion, dont il était sûr, et qui lui servirait de cohorte
prétoriennes. » Cette légion était celle à qui César avait
témoigné le plus d'affection, et dont la valeur lui inspirait le
plus de confiance.
41. Ce discours produisit un changement
merveilleux dans les esprits ; il y fit naître un grand
enthousiasme et la plus vive impatience de combattre ; on vit
d'abord la dixième légion, par l'entremise de ses tribuns,
remercier César de l'excellente opinion qu'il avait d'elle et lui
confirmer qu'elle était toute prête à combattre. Puis les autres
légions négocièrent avec leurs tribuns et les centurions de leur
première cohorte pour qu'ils les fissent excuser par César :
« Ils n'avaient jamais pensé qu'ils eussent à juger de la
conduite des opérations ; c'était l'affaire de leur
général. » César accepta leurs explications ; Diviciacos,
chargé d'étudier l'itinéraire parce qu'il était celui des Gaulois
en qui César avait le plus de confiance, conseilla de faire un
détour de plus de cinquante milles, qui permettrait de marcher en
terrain découvert ; César partit au cours de la quatrième
veille, comme il l'avait dit. Après sept jours de marche continue,
ses éclaireurs lui firent savoir que les troupes d'Arioviste
étaient à vingt-quatre milles des nôtres.
42. Quand il apprend l'approche de César,
Arioviste lui envoie une ambassade : « Il ne s'opposait
pas,
Weitere Kostenlose Bücher