Guerre Des Gaules
telle, et la poursuite si vive, qu'ils ne
s'arrêtèrent qu'une fois en vue de nos colonnes. Dans ce combat,
soixante-quatorze de nos cavaliers trouvèrent la mort, et parmi eux
un homme très valeureux, l'Aquitain Pison, personnage de haute
naissance dont l'aïeul avait été roi dans sa cité et avait reçu de
notre sénat le titre d'ami. Comme il portait secours à son frère,
que les ennemis enveloppaient, il réussit à l'arracher au danger,
mais il eut lui-même son cheval blessé et fut jeté à terre ;
aussi longtemps qu'il put, il tint tête avec un grand
courage ; mais, entouré de toutes parts, couvert de blessures,
il tomba, et son frère, qui déjà était hors de la mêlée, voyant de
loin le drame, se jeta au galop sur l'ennemi et fut tué.
13. Après ce combat, César estimait qu'il ne
devait plus donner audience aux députés ni accueillir les
propositions de gens qui avaient commencé les hostilités par
traîtrise, à la faveur d'une demande de paix ; quant à
attendre, en laissant les forces des ennemis s'accroître par le
retour de leur cavalerie, il jugeait que c'eût été folie
pure ; connaissant d'ailleurs la pusillanimité des Gaulois, il
comprenait tout ce que déjà par ce seul combat l'ennemi avait gagné
de prestige à leurs yeux : il ne fallait pas leur laisser le
temps de se décider. Sa pensée était bien arrêtée sur tout cela, et
il avait communiqué à ses légats et à son questeur sa résolution de
ne pas différer d'un jour la bataille, quand une circonstance très
favorable se présenta le lendemain au matin, agissant toujours avec
la même traîtrise et la même hypocrisie, les Germains vinrent en
grand nombre, avec tous les chefs et tous les anciens trouver César
dans son camp ; ils voulaient – c'était le prétexte –
s'excuser de ce qu'ils avaient la veille engagé le combat
contrairement aux conventions et à leurs propres demandes ;
mais en même temps ils se proposaient d'obtenir, s'ils le
pouvaient, en nous trompant, quelque trêves. César, heureux qu'ils
vinssent ainsi s'offrir, ordonna de les garder ; puis il fit
sortir du camp toutes ses troupes ; la cavalerie, démoralisée,
pensait-il, par le dernier combat, fut placée à
l'arrière-garde.
14. Ayant disposé son armée en ordre de
bataille sur trois rangs, et ayant parcouru rapidement huit milles,
il arriva au camp des ennemis avant qu'ils pussent s'apercevoir de
ce qui se passait. Tout concourait à frapper les Germains d'une
peur subite la promptitude de notre approche, l'absence de leurs
chefs, et de n'avoir le temps ni de tenir conseil, ni de prendre
leurs armes ; ils s'affolent, ne sachant s'il vaut mieux aller
au-devant de l'ennemi, ou défendre le camp, ou chercher son salut
dans la fuite. Comme la rumeur et le rassemblement confus des
hommes manifestaient leur frayeur, nos soldats, stimulés par la
perfidie de la veille, firent irruption dans le camp. Là, ceux qui
purent s'armer promptement résistèrent un moment aux nôtres,
engageant le combat parmi les chariots et les bagages ; mais
il restait une foule d'enfants et de femmes (car ils étaient partis
de chez eux et avaient passé le Rhin avec tous les leurs) qui se
mit à fuir de tous côtés. César envoya sa cavalerie à leur
poursuite.
15. Les Germains, entendant une clameur
derrière eux, et voyant qu'on massacrait les leurs, jetèrent leurs
armes, abandonnèrent leurs enseignes et se précipitèrent hors du
camp ; arrivés au confluent de la Meuse et du Rhin,
désespérant de pouvoir continuer leur fuite et voyant qu'un grand
nombre d'entre eux avaient été tués, ceux qui restaient se jetèrent
dans le fleuve et là, vaincus par la peur, par la fatigue, par la
force du courant, ils périrent. Les nôtres, sans avoir perdu un
seul homme et n'ayant qu'un tout petit nombre de blessés, après
avoir redouté une lutte terrible, car ils avaient eu affaire à
quatre cent trente mille ennemis, se retirèrent dans leur camp.
César autorisa ceux qu'il avait retenus à s'en aller ; mais
eux, craignant que les Gaulois, dont ils avaient ravagé les champs,
ne leur fissent subir de cruels supplices, déclarèrent qu'ils
désiraient rester auprès de lui. César leur accorda la liberté.
16. La guerre germanique achevée, César, pour
maintes raisons, décida de franchir le Rhin ; la meilleure
était que, voyant avec quelle facilité les Germains se
déterminaient à venir en Gaule, il voulut qu'eux aussi eussent à
craindre pour
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