Guerre Des Gaules
leur gré, parce qu'on les chassait de chez eux ; si
les Romains acceptent leur amitié, ils peuvent leur être d'utiles
amis : qu'ils leur assignent des terres, ou qu'ils les
laissent conserver celles qu'ils ont conquises. Ils ne le cèdent
qu'aux Suèves, auxquels les dieux mêmes ne sauraient être
comparés : sauf eux, il n'est personne sur la terre qu'ils ne
soient capables de vaincre.
8. César fit à ce discours la réponse qu'il
jugea convenable ; mais pour sa conclusion, elle fut qu'il n'y
avait pas d'amitié possible d'eux à lui, s'ils restaient en
Gaule : « D'abord il n'est pas juste qu'un peuple qui n'a
pas su défendre son territoire s'empare de celui d'autrui ;
d'autre part, il n'y a pas en Gaule de terres vacantes qu'on puisse
donner, surtout à une telle multitude, sans nuire à personne ;
mais ils peuvent, s'ils le veulent, s'établir sur le territoire des
Ubiens, dont il a auprès de lui des députés qui se plaignent des
violences des Suèves et lui demandent du secours ; il leur
donnera l'ordre de les accueillir.
9. Les ambassadeurs germains dirent qu'ils
allaient rapporter cette réponse, et qu'ils reviendraient dans
trois jours, une fois qu'on en aurait délibéré ; ils
demandèrent qu'en attendant César n'avançât point davantage.
Celui-ci se déclara dans l'impossibilité de faire pareille
concession. Il savait, en effet, qu'une grande partie de leur
cavalerie avait été envoyée par eux, quelques jours auparavant,
chez les Ambivarites d'au-delà la Meuse pour y faire du butin et y
prendre du blé ; il pensait qu'on attendait ces cavaliers et
que c'était pour cela qu'on demandait un délai.
10. La Meuse prend sa source dans les Vosges,
qui sont sur le territoire des Lingons et, après avoir reçu un bras
du Rhin, qu'on appelle le Waal, et formé avec lui l'île des
Bataves, elle se jette dans l'Océan et à quatre-vingt mille pas
environ de l'Océan, elle se jette dans le Rhin. Quant à ce fleuve,
il prend sa source chez les Lépontes, habitant des Alpes, parcourt
d'une allure rapide un long espace à travers les pays des
Nantuates, des Helvètes, des Séquanes, des Médiomatrices, des
Triboques, des Trévires ; à l'approche de l'Océan, il se
divise en plusieurs bras en formant des îles nombreuses et
immenses, dont la plupart sont habitées par des nations farouches
et barbares, au nombre desquelles sont ces hommes qu'on dit se
nourrir de poissons et d'œufs d'oiseaux ; il se jette dans
l'Océan par plusieurs embouchures.
11. César n'était pas à plus de douze milles
de l'ennemi quand les députés, observant le délai fixé, revinrent.
Ils le rencontrèrent en marche, et se mirent à le supplier de ne
pas aller glus avant ; leurs prières restant vaines, ils
essayèrent d'obtenir qu'il fît porter aux cavaliers qui étaient en
avant-garde l'ordre de ne pas engager le combat, et qu'il les
laissât envoyer aux Ubiens des députés ; si les chefs de ce
peuple et son sénat s'engageaient sous serment, ils déclaraient
accepter la proposition que faisait César ; ils demandaient
qu'il leur accordât trois jours pour ces négociations. César
pensait que tout cela visait toujours au même but : gagner
trois jours pour permettre à leur cavalerie, qui était absente, de
revenir ; néanmoins, il dit qu'il n'avancerait ce jour-là que
de quatre milles, pour se procurer de l'eau ; qu'ils vinssent
le trouver le lendemain à cet endroit en aussi grand nombre que
possible, afin qu'il pût se prononcer en connaissance de cause sur
leurs demandes. En attendant, il fait dire à ses préfets, qui le
précédaient avec toute la cavalerie, de ne pas attaquer l'ennemi,
et, si on les attaque, de se borner à la défensive, jusqu'à ce
qu'il soit là avec l'armée.
12. Mais les ennemis, dès qu'ils aperçurent
nos cavaliers, qui étaient au nombre d'environ cinq mille, tandis
qu'eux-mêmes n'en avaient pas plus de huit cents – ceux qui étaient
allés chercher du blé au-delà de la Meuse n'étant pas encore
revenus –, chargèrent les nôtres, qui ne se méfiaient de rien,
parce que les députés ennemis venaient de quitter César et avaient
demandé une trêve pour cette journée même ; ils eurent vite
fait de mettre le désordre dans nos rangs ; puis, comme nos
cavaliers se reformaient, ils mirent pied à terre, selon leur
coutume, et, frappant les chevaux par-dessous, jetant à bas un très
grand nombre de nos hommes, ils mirent les autres en fuite :
la panique fut
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