Guerre Des Gaules
exaspéra sa
haine.
5. Ces affaires une fois réglées, César se
rend à Portus Itius avec ses légions. Là, il apprend que soixante
navires, qui avaient été construits chez les Meldes, ont été
rejetés par la tempête, et, incapables de tenir leur route, ont dû
revenir à leur point de départ ; quant aux autres, il les
trouve prêts à naviguer et pourvus de tout le nécessaire. La
cavalerie de toute la Gaule se rassemble là, forte de quatre mille
chevaux, avec les chefs de toutes les nations ; César avait
résolu de n'en laisser en Gaule qu'un tout petit nombre, ceux dont
il était sûr, et d'emmener les autres comme otages, parce qu'il
craignait un soulèvement de la Gaule en son absence.
6. Au nombre de ces chefs était l'Héduen
Dumnorix, dont nous avons déjà parlé. Il était des premiers que
César eût pensé à garder avec lui, car il savait son goût de
l'aventure, sa soif de domination, sa hardiesse et l'autorité dont
il jouissait parmi les Gaulois. De plus, Dumnorix avait dit dans
une assemblée des Héduens que César lui offrait d'être roi de ce
peuple, propos qui les inquiétait fort, sans qu'ils osassent
députer à César pour dire qu'ils n'acceptaient pas son projet ou
prier qu'il y renonçât. César avait connu le trait par ses hôtes.
Dumnorix commença par user de toutes sortes de prières pour obtenir
qu'on le laissât en Gaule : « Il n'avait pas l'habitude
de naviguer et redoutait la mer ; il était retenu par des
devoirs religieux. » Quand il vit qu'il se heurtait à un refus
catégorique, n'ayant plus aucun espoir de succès, il se mit à
intriguer auprès des chefs gaulois, leur faisant peur, les prenant
chacun à part et les exhortant à rester sur le continent :
« Ce n'était pas sans raison, disait-il, qu'on enlevait à la
Gaule toute sa noblesse : le projet de César, qui n'osait pas
la massacrer sous les yeux des Gaulois, était de la transporter en
Bretagne pour l'y faire périr. » Aux autres, Dumnorix jurait
et faisait jurer qu'ils exécuteraient d'un commun accord ce qu'ils
croiraient utile aux intérêts de la Gaule. Bien des gens
dénonçaient ces menées à César.
7. Lorsqu'il connut cette situation, sa pensée
fut la suivante : en raison du rang où il plaçait la nation
héduenne, tout tenter pour retenir Dumnorix et le détourner de ses
desseins ; mais comme, d'autre part, l'égarement du personnage
ne faisait, visiblement, que croître, prendre ses précautions pour
qu'il ne pût être un danger ni pour lui, ni pour l'État. En
conséquence, ayant été retenu au port environ vingt-cinq jours par
le chorus, vent qui souffle le plus souvent, en toute saison, sur
ces côtes, il s'appliqua à garder Dumnorix dans le devoir, sans
pour cela négliger de se tenir au courant de tous les plans qu'il
formait ; enfin, profitant d'un vent favorable, il donne aux
fantassins et aux cavaliers l'ordre d'embarquer. Mais, tandis que
cette opération occupait l'attention de tous, Dumnorix quitta le
camp, à l'insu de César, avec la cavalerie héduenne, et prit le
chemin de son pays. Quand il apprend la chose, César suspend le
départ et, toute affaire cessante, envoie une grande partie de la
cavalerie à sa poursuite, avec ordre de le ramener ; s'il
résiste, s'il refuse d'obéir, il commande qu'on le tue, car il
n'attendait rien de sensé, loin de sa présence, d'un homme qui lui
avait désobéi en face. Dumnorix, sommé de revenir, résiste, met
l'épée à la main, supplie les siens de faire leur devoir, répétant
à grands cris qu'il est libre et appartient à un peuple libre.
Conformément aux ordres, on l'entoure et on le tue ; quant aux
cavaliers héduens, tous reviennent auprès de César.
8. Cette affaire terminée, César laissa
Labiénus sur le continent avec trois légions et deux mille
cavaliers, pour garder les ports et pourvoir au blé, pour
surveiller les événements de Gaule et prendre les décisions que
comporteraient les circonstances ; lui-même, avec cinq légions
et autant de cavaliers qu'il en avait laissés sur le continent, il
leva l'ancre au coucher du soleil. Il fut d'abord poussé par un
léger vent du sud-ouest ; mais vers minuit le vent tomba, il
ne put tenir sa route, et, emporté assez loin par le courant de
marée, quand le jour parut, il aperçut sur sa gauche la Bretagne
qu'il avait manquée. Alors il suivit le courant qui portait
maintenant en sens contraire et fit force de rames pour aborder à
cet endroit de
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