Guerre Des Gaules
campaient généralement face à face ; et comme Vercingétorix
disposait des éclaireurs pour empêcher les Romains de faire un pont
et de franchir le fleuve, César se trouvait dans une situation fort
difficile : il risquait d'être arrêté par l'Allier la plus
grande partie de l'été, car ce n'est guère avant l'automne que,
d'habitude, l'Allier est guéable. Pour éviter qu'il en fût ainsi,
César alla camper dans une région boisée en face de l'un des ponts
que Vercingétorix avait fait détruire, et le lendemain il y demeura
secrètement avec deux légions, tandis qu'il faisait partir comme à
l'habitude le reste de ses troupes avec tous les bagages, ayant eu
soin de fractionner un certain nombre de cohortes pour faire croire
que le nombre des légions n'avait pas changé. Il leur donna l'ordre
de se porter aussi loin que possible en avant, et quand l'heure lui
fit supposer qu'elles étaient arrivées au campement, il se mit à
rétablir le pont sur les anciens pilotis, dont la partie inférieure
restait entière. L'ouvrage fut rapidement terminé ; il fit
passer les légions et, ayant choisi un emplacement favorable pour
son camp, rappela à lui les autres corps. Quand Vercingétorix
apprit la chose, craignant d'être obligé à livrer bataille malgré
lui, il força les étapes pour prendre de l'avance.
36. César parvint à Gergovie en quatre
étapes ; ayant livré le jour de son arrivée un petit combat de
cavalerie, et ayant reconnu la place, qui était sur une montagne
fort haute et d'accès partout difficile, il désespéra de l'enlever
de force ; quant à un siège, il décida de n'y songer qu'après
avoir pourvu aux subsistances. De son côté, Vercingétorix avait
campé près de la ville, sur la hauteur, et il avait disposé autour
de lui les forces de chaque cité, en ne les séparant que par un
léger intervalle tous les sommets de cette chaîne que la vue
découvrait étaient occupés par ses troupes, en sorte qu'elles
offraient un spectacle terrifiant. Ceux des chefs de cités qu'il
avait choisis pour former son conseil étaient convoqués par lui
chaque jour à la première heure pour les décisions à prendre ou les
mesures à exécuter ; et il ne se passait presque point de jour
qu'il n'éprouvât, par des engagements de cavalerie auxquels se
mêlaient les archers, l'ardeur et la valeur de chacun. Il y avait
en face de la ville, au pied même de la montagne, une colline très
bien fortifiée par la nature, et isolée de toutes parts : si
nous l'occupions, nous priverions l'ennemi d'une grande partie de
son eau et il ne fourragerait plus librement. Mais cette position
était tenue par une garnison qui n'était pas méprisable. Pourtant
César, étant sorti de son camp au milieu du silence de la nuit,
bouscula les défenseurs avant que l'on eût pu les secourir de la
place et, maître de la position, y installa deux légions ; il
relia le petit camp au grand camp par un double fossé de douze
pieds de large, afin que même des hommes isolés pussent aller de
l'un à l'autre à l'abri des surprises de l'ennemi.
37. Tandis que ces événements se déroulent
devant Gergovie, Convictolitavis, cet Héduen à qui, comme on l'a
vu, César avait donné la magistrature suprême, cédant aux
séductions de l'or arverne, entre en rapports avec certains jeunes
gens, à la tête desquels étaient Litaviccos et ses frères, issus
d'une très grande famille. Il partage avec eux le prix de sa
trahison, et les exhorte à se souvenir qu'ils sont des hommes
libres et nés pour commander. « Il n'y a qu'un seul obstacle à
la victoire des Gaulois, qui est certaine : c'est l'attitude
des Héduens ; l'autorité de leur exemple retient les autres
cités qu'ils abandonnent les Romains, et ceux-ci ne pourront plus
tenir en Gaule. Sans doute, il n'est pas sans avoir à César quelque
obligation, quoique celui-ci n'ait fait, après tout, que
reconnaître la justice de sa cause ; mais le désir de
l'indépendance nationale est le plus fort. Car enfin, pourquoi les
Héduens recourraient-ils à l'arbitrage de César quand il s'agit de
leur constitution et de leurs lois, plutôt que Rome à celui des
Héduens ? » Le discours du magistrat et l'argent ont vite
fait d'entraîner ces jeunes hommes : ils se déclarent même
prêts à prendre la tête du mouvement, et nos conjurés cherchent un
plan d'action, car ils ne se flattaient pas d'amener les Héduens à
la guerre si facilement. On décida que
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