Hamilcar, Le lion des sables
sorte, à mon corps
défendant, votre trésorier. Aussi laissez-moi agir comme je le juge bon puisque
vous en êtes les principaux bénéficiaires.
Dès le
départ de l’ambassade romaine, Hamilcar convoqua son gendre Hasdrubal et ses
principaux officiers. Il leur annonça la création d’une nouvelle ville, Rosh Laban,
le Cap blanc, au nord de Tartessos. A la nouvelle bonne saison, les murailles
de la cité étaient toujours debout et plusieurs milliers d’hommes furent
recrutés comme mercenaires. Avec leur concours, le père d’Hannibal soumit,
durant trois campagnes successives, les régions voisines. Une seule ville
refusa obstinément d’accepter une garnison carthaginoise, Heliké. Furieux de
cette rébellion, Hamilcar mit le siège devant la cité défendue par les
montagnards Orisses. C’est alors qu’après un combat contre les assiégés, Magon
l’avait contraint à recevoir ce stupide pleutre de Carthalon.
Chapitre 13
Sous la
tente du général en chef, le sénateur Carthalon commençait à bouillir
d’impatience. Tout d’abord, le long silence d’Hamilcar lui avait paru être de
bon augure. Si l’homme ne répliquait pas et ne cherchait pas à l’interrompre,
cela voulait dire qu’il portait une attention soutenue à ses propos et qu’il
les pesait à leur juste valeur. Cela l’avait flatté. Le fils d’Adonibaal
s’était assagi avec l’âge et l’éloignement de sa patrie avait eu des effets
bénéfiques sur lui. Il avait perdu de sa morgue et condescendait enfin à
écouter les autres tout en affectant à leur égard un ton bourru. Carthalon
avait dû rapidement déchanter en observant son interlocuteur. Celui-ci était en
fait plongé dans une sorte de rêve et ne prêtait aucune attention à ce que le
fils de Baalyathon tentait de lui expliquer.
Furieux,
celui qui s’était présenté comme l’envoyé du Sénat de Carthage quitta à petits
pas la tente. À l’extérieur, Magon l’attendait et s’offrit à le raccompagner
car l’aide de camp brûlait d’impatience de savoir ce qui s’était dit durant
l’entretien. La soudaine amabilité de l’officier, contrastant avec la froideur
de son accueil initial, éveilla l’intérêt du sénateur. Ce militaire devait
avoir de bonnes raisons de se comporter de la sorte et il suffirait peut-être
de lui faire miroiter quelques promesses d’avancement pour obtenir des
informations de première main sur les agissements de son chef.
Carthalon
invita donc Magon à partager une coupe de vin avec lui pour le remercier de son
affabilité. Il le pria de prendre place sur un lit de repos et lui demanda à
brûle-pourpoint :
— Depuis
quand te trouves-tu en Espagne ?
— Depuis
environ neuf ans. Mon père était l’intendant d’Adonibaal et, en servant sous
les ordres de son fils, j’ai l’impression de continuer une tradition familiale.
— Cette
fidélité t’honore et ne me surprend pas. Les Barca ont toujours su bien se
comporter avec leurs partisans. Mais tu n’es pas un simple pion. Je suis même
intimement persuadé que tu as ton franc-parler et que tu ne refuseras pas de
faire bénéficier le Sénat de Carthage de tes avis. D’où ma question :
es-tu réellement satisfait d’obéir à Hamilcar Barca ?
— Il
avait juré à mon père de me prendre comme aide de camp quand j’aurais l’âge de
porter les armes. Il a tenu parole et j’ai combattu à ses côtés durant la
guerre des mercenaires. Le suivre jusqu’à Gadès puis à Heliké n’est pas
illogique.
— Je
vois que tu es prudent. Tu me récites tes états de service, dont je ne doute
pas qu’ils soient glorieux, mais tu t’abstiens de formuler le moindre jugement
sur ton chef.
— Est-ce
le rôle d’un subordonné que de le faire ? Vous autres, membres du Sénat,
êtes plus à même d’étudier le comportement de nos généraux et vous êtes seuls à
pouvoir en tirer les conclusions qui s’imposent.
— Voilà
qui n’est pas inintéressant : serait-ce à dire que, selon toi, des
conclusions s’imposent ?
— Oui,
sans vouloir manquer de respect envers mon supérieur hiérarchique.
— Tes
propos me laissent deviner que tu n’es pas toujours d’accord avec ses décisions
et ses agissements.
— Tu
as vu juste.
— Que
lui reproches-tu ?
— Carthalon,
permets-moi de te poser une question.
— Oui,
laquelle ?
— Puis-je
avoir confiance en toi ?
— Oui,
tant que tu seras utile à ma personne et à mes
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